samedi 3 novembre 2007

« On veut tuer la côte royannaise » La société 4Gas face à plus de 2000 opposants...



Lundi dernier à Royan, la nouvelle réunion organisée par la commission du débat public que préside Louis-Julien Sourd avait attiré quelque 2500 habitants des deux rives, Charente-Maritime et Médoc. La salle était archi-comble et remontée ! Cette rencontre, très canalisée, n’a pas apporté les explications qu’attendaient les participants. Ils sont repartis comme ils étaient arrivés, chacun campant sur ses positions.



Non, ce n’est pas « Plus belle, la vie » ! Pour ceux qui entreraient dans ce feuilleton automnal, à l’origine du fort mécontentement de la population royannaise, il convient de faire un rappel des faits : la société hollandaise 4Gas, basée à Rotterdam, envisage de construire un port méthanier au Verdon, face à Saint-Georges de Didonne. Cette réalisation se concrétiserait sur le terrain par trois cuves de 47 mètres de hauteur, une torchère, une usine d’électricité à partir du gaz naturel liquéfié, une usine de regazéification de 35000 m2, une unité de production d’azote et la construction d’un gazoduc dont on ignore le tracé, plusieurs hypothèses ayant été émises. Ce site industriel, « situé à 400 m de la plage et à 800 mètres de l’école du Verdon, face à la perle de l’Atlantique » serait classé Seveso 2. Il a été choisi par 4Gas « en raison de sa disponibilité en eaux profondes et d’un appontement existant ».
Dès qu’elle a été connue, cette perspective a entraîné de vives réactions, la création de collectifs de défense et la mobilisation des élus - tous unis - pour défendre le plus grand Estuaire d’Europe, celui de la Gironde.

Un débat nécessaire

La réunion organisée lundi soir s’inscrit dans une large concertation orchestrée par la commission du débat public. « Ce projet semble impensable, mais tout peut arriver » souligne le maire de Saint-Georges, Jean-Michel Renu. À ses côtés, Jean-Pierre Tallieu, président de la CDA, n’est guère plus rassuré. Toutes les collectivités locales sont hostiles au projet. Toutefois, qu’en sera-t-il au final ? Nul ne le sait et il faudra attendre le printemps prochain pour connaître la décision des investisseurs. Auparavant, plusieurs étapes auront été franchies dont l’instruction du dossier par la DRIRE.
Pour l’instant, le projet est à l’étude et « les travaux ne sont pas commencés », déclare un responsable de 4Gas. Cette réalité ne suffit pas à apaiser les esprits, révoltés (c’est le mot) par ces structures qui présenteront un vrai danger. Au lendemain du Grenelle de l’environnement où une prise de conscience s’est opérée, un terminal méthanier met hors d’eux écologistes et simples amoureux de la nature qui apprécient la région, entre falaises crayeuses et plages de sable fin. De l’autre côté, il y a le Médoc, « plus célèbre pour ses caves que ses cuves »...



Trois hommes et un coup fin ?

Au perchoir, les trois représentants de 4gas, Henk Jonkman, directeur général, Olivier Bousquet, directeur du projet et Arjen Kruithof (architecture et ingénierie), semblent plutôt isolés. Hués, ils n’ont pas besoin d’un décodeur pour comprendre que la salle leur est totalement hostile. Cette dernière crie à l’arnaque, à l’irresponsabilité et autres insinuations fort désagréables. On évite tout de même les débordements, style « les Flamands, on les préfère à la Palmyre », une réflexion qui avait choqué la fois dernière. L’air un peu accablé, les intéressés se demandent ce qu’ils font dans cette galère, exposés aux 2500 personnes qui ont répondu présent. Et ce n’est pas pour applaudir le retour sur scène de Paul McCartney !
Louis-Julien Sourd tente de ramener l’ordre : « je vous demande une bonne conduite. La procédure du débat public est de discuter de l’opportunité d’un projet et d’en aborder les aspects. La commission n’émet pas d’avis, elle est neutre et transparente avec une égalité dans le traitement des deux parties ».

La bataille de l’environnement

Le cadre étant planté, la parole est laissée aux élus qui l’attendent avec impatience.
À quelques mois des municipales, il est des sujets qu’on ne peut occulter. Le premier à ouvrir le bal des allocutions est le maire de Royan, Henri le Gueut. Costume noir, cravate rose, il critique crûment cette construction : « nous ne devons pas nous endormir. 4Gas doit se décider vite, cette société n’a rien à faire ici ».
Didier Quentin lui emboîte le pas. Il a sorti ses souliers vernis et sur le parquet, ses paroles glissent d’amertume : « tout le monde est contre ce projet, les professionnels, le Conseil Général, les maires en congrès samedi dernier, les élus de Gironde, la population, Henri Giscard d’Estaing, président du Club Med »... S’y ajoute Nicolas Hulot et Thalassa serait sur la brèche. Pour le député, cette phrase de Nicolas Sarkozy est claire : « tout projet, au coût environnemental trop lourd, sera refusé ».
« Pourquoi le Verdon quand d’autres villes seraient preneuses, Dunkerque et le Havre ? Deux autres sites sont déjà opérationnels, Fos sur Mer et Montoir-Saint Nazaire. Pourquoi créer un nouvel emplacement dans un lieu protégé ? Je ne vois là que des intérêts spéculatifs et financiers » s’indigne-t-il.
François Patsouris et Régine Jolly, vice-présidents du Conseil régional, passent bientôt à l’action. Pas besoin de mettre leurs habits verts, ils ont l’épée des mots et le choc des propos. François Patsouris s’interroge sur le trafic dans l’estuaire avec le passage d’énormes méthaniers de 250 mètres de longueur : « le pôle économique du Verdon permettra à Bordeaux de rivaliser avec les grands ports européens. Il ne faut pas chercher plus loin. Personnellement, j’arrive de Florence où la CEE nous demande de protéger les milieux marins. Ici, j’assiste exactement au contraire. Il serait grand temps que Jean-Louis Borloo, ministre de l’Environnement, vienne nous rejoindre » ! Et pourquoi pas ? Il insiste sur les effets que pourrait avoir une grande tempête sur de telles installations : « un méthanier peut-il résister aux vents violents ? Je crois qu’il faut laisser passer l’envie de fric qui anime certaines personnes ».
Trois grands volets sont ensuite développés par un système de questions/réponses : les impacts sur l’environnement, le tourisme, les dangers et la maîtrise des risques.
Est-il nécessaire de le rappeler, la côte royannaise est un espace agréable et prisé des touristes. Le long cordon d’argent qu’est l’estuaire abrite civelles, lamproies et esturgeons. Ce monde à part fait le bonheur des artistes et de ceux qui cherchent la sérénité. M. Fuentes l’a parfaitement compris : prenant le micro, il lit un beau poème de sa composition. Ce flot de tendresse décrispe l’atmosphère et l’assistance en oublie un instant ses griefs. ...
Toute poésie mise à part, il est évident que cette activité industrielle aura des retombées sur le paysage. Outre les rejets, la vue, des conches de Meschers, Saint-Georges de Didonne et Royan, sera modifiée. Et enlaidie.



Un coup dur pour le tourisme

La nature des questions démontre bien les craintes ressenties. Parmi elles, la durée de vie du terminal : cinquante ans, le nombre d’emplois créés : de 38 à 52 (quelle précision !), les retombées sur l’air, l’effet de serre, les répercussions liées aux rejets de chlore dans l’estuaire (l’avis d’Ifremer sera sollicité), la préservation des espèces, de l’éco-système et des paysages, l’usine de cogénération qui alimentera le site en électricité.
Soudain, un jeune chercheur du CNRS s’irrite quant aux risques de fuite de gaz naturel liquéfié : « on nage dans le flou, l’imprécision totale. Dire qu’un risque est nul est débile, il y a toujours un risque résiduel. De plus, nous sommes en zone Natura 2000 ». On l’avait presque oublié...
La réaction la plus touchante est celle de Claude Caillé, le “père“ du zoo de la Palmyre, l’un des plus importants d’Europe : « toute cette histoire va tuer Royan. Les agents immobiliers le ressentent déjà avec une baisse des ventes des terrains et maisons. Personne n’a envie de venir en vacances ou d’acheter à proximité d’un port méthanier. Toute l’activité touristique sera touchée, à commencer par les campings. Le zoo et le club Med ne seront pas épargnés ». Et d’ajouter : « nous venons d’avoir un petit gorille et j’ai choisi de l’envoyer dans un parc allemand pour qu’il ait une vie plus saine ».
Le deuxième département touristique français en nombre de nuitées est inquiet pour son avenir. Tout bouleversement pourrait lui être fatal, les estivants choisissant d’autres destinations (ce qui est facile avec internet). On imagine alors les retombées sur l’emploi, d’où la réflexion de cet habitant : « Royan a déjà connu un bombardement totalement injustifié. Une seconde charge lui arrive maintenant sur la tête. Avec la centrale nucléaire de Braud Saint-Louis, la boucle est bouclée ». Ce n’est pas tout : en ville, on parle de l’arrivée hypothétique d’un gazoduc chargé de transporter le gaz vers le réseau national. Ce tracé, cependant, est improbable car onéreux en investissement (il devra franchir la Gironde).
Bref, qu’adviendra-t-il de « ce bel estuaire à la robe sombre et ombragée ? ». Les deux rives disent « non aux fonds de pension Carlyle Riverstone qui veulent lui voler son âme ».
La dernière réunion, synthèse des différents débats, est attendue avec impatience...

Méthaniers et plaisanciers dans l’estuaire : La cohabitation est-elle possible ?

Nous avons posé la question à un responsable de la Capitainerie du port autonome de Bordeaux. « Il n’y aura pas de perturbation dans la cohabitation des différentes activités » estime-t-il. Déjà, le bac cède la priorité aux navires de commerce qui empruntent l’estuaire. Au nombre actuel de 1 500 environ, ils sont soumis aux règles de navigation internationales. « Le méthanier transporte du gaz naturel liquéfié, matière moins dangereuse que le pétrole ou le gaz comprimé » explique-t-il. Selon les tailles des bateaux, des mesures supplémentaires peuvent être appliquées : plus grand nombre de remorqueurs, deux pilotes au lieu d’un seul, etc.
Les plaisanciers et autres écoles de voile ne devraient pas avoir à souffrir de la présence de ces « grosses structures », sauf qu’à leur arrivée, elles ne passeront pas inaperçues et provoqueront des remous.
Cette réponse, plutôt optimiste, ne fait pas l’unanimité. Le directeur de la station nautique de Royan, par exemple, pense que le chenal sera forcément bloqué par ces immenses embarcations. Reste à connaître la fréquence du trafic et un autre problème : « un méthanier qui s’envaserait sur la passe de la Mauvaise y resterait indéfiniment et finirait par couler. La passe est inabordable » soulignent les marins.



Didier Quentin interpelle le premier Ministre F. Fillon

Permettez-moi d'appeler votre attention, avec une particulière solennité, sur le projet de terminal méthanier au Vcrdon-sur-Mer, dans le nord-Médoc, présenté par la société néerlandaise 4Gas.
Celui-ci suscite, en effet, une très vive émotion sur les deux rives de la Gironde. En raison de son impact environnemental dévastateur, il rencontre en Charente-Maritime une opposition croissante et déterminée des élus. des associations et de la population, comme en témoignent les différentes motions adoptées à l'unanimité par le Conseil général, le Conseil régional de Poitou-Charentes, la Communauté d'Agglomération de Royaii-Atlantique, et tous les conseils municipaux concernés, ainsi que le “non“ ferme de la Section Régionale Conchylicole de Poitou-Charentes.
L'hostilité à ce projet commence même à prendre une ampleur nationale, comme l'atteste, par exemple, le soutien exprimé par Nicolas Hulot.
Une Commission particulière du débat-public a été créée. Celui-ci se déroule dans des conditions peu satisfaisantes, en raison notamment de la disparité du nombre de réunions entre les deux rives de l'estuaire de la Gironde. Il est aussi, en grande partie, faussé par le manque de rigueur des réponses apportées par l'opérateur. Mais surtout, il ne nous a encore jamais été dit si un tel projet s'inscrit bien dans le cadre défini par la loi programme de 2005 qui fixe les objectifs de notre pays en matière de stockage de gaz. Il nous est encore moins indiqué s'il présente un intérêt national majeur pour l’approvisionnement énergétique de la France à cet endroit précis du littoral atlantique à la richesse exceptionnelle en matière environnementale, tant pour la qualité des paysages que pour la biodiversité.
Beaucoup s'interrogent aussi sur l'utilité et la pertinence d'un tel équipement, car il existe déjà deux terminaux en cours d'extension à Fos et à Montoire, et deux autres sont en projet, sans poser de problème, à Dunkerque et à Antifer.
La vocation de l'estuaire de la Gironde, plus grand estuaire d'Europe et dernier estuaire naturel, me paraît donc résider dans le développement d'un tourisme durable, ce que l'on appelle l’éco-tourisme, plutôt que de le transformer en un Fos-sur-Gironde...
C'est dans cet esprit que j'ai proposé la création d'une « aire marine protégée » qui deviendrait pilote en la matière et qui a reçu un accueil favorable de la Secrétaire d'État à l’Écologie.
C'est pourquoi, le premier Ministre, je vous serais très obligé de me faire connaître la position du Gouvernement à cet égard, alors que Monsieur le Président de la République a déclaré, le jeudi 25 octobre dernier, lors des conclusions du Grenelle de l'Environnement : « Très clairement, un projet dont le coût environnemental est trop lourd sera refusé ».



• L’absence des représentants du Port autonome de Bordeaux :
Lors d’une précédente réunion, à Soulac, l’un d’eux a été agressé verbalement et physiquement par un “excité“. Lundi à Royan, le PAB était absent en raison de ce malheureux incident.
Par ailleurs, dans un courrier adressé à M. Sourd, Didier Quentin regrette le caractère tumultueux de la réunion du 8 octobre dernier et condamne les propos xénophobes qui y auraient été tenus : « la vigueur de certaines réactions s’explique par le manque de rigueur des réponses apportées par les représentants de 4Gas. La sérénité du dialogue ne reviendra qu’au prix d’un plus grand sérieux dans les réponses dont la principale est : y a-t-il un intérêt national majeur et bien démontré pour un tel équipement à cet endroit précis ?».

• Réunion de clôture : Bordeaux ou Royan ?
Celle-ci devrait avoir lieu au Palais des Congrès de Bordeaux, le 29 novembre prochain. Elle sera la synthèse de l’ensemble des réunions du débat public en Gironde et en Charente-Maritime.
Didier Quentin s’étonne du choix de Bordeaux : « nous tenons à ce qu’elle ait lieu à Royan ou à Soulac » dit-il sous un tonnerre d’applaudissements. Jean-Pierre Tallieu est prêt à louer un tivoli (encore plus vaste) pour accueillir cette rencontre.

• Nature Environnement 17 se mobilise :
Vous pouvez contacter cette association à la Rochelle et Saintes. En vue, la mise en réserve naturelle de Bonne Anse et la protection des espèces, dont fait partie la fameuse tortue cistude.

• L’influence du port de Bordeaux ? Mais qui est derrière 4Gas ?
« Le port autonome de Bor-deaux qui ne veut surtout pas voir les méthaniers remonter jusqu’à Bordeaux » : c’est la réponse la plus évidente. Ce projet est un vrai danger pour l´estuaire qui est un secteur privilégié de mélange des eaux et donc de reproduction des poissons. Le pompage des eaux (10 m3/seconde pour le refroidissement du gaz) et le rejet de cette eau chlorée et javellisée dans l’estuaire, constituerait une pollution permanente. « Pas question de d’altérer nos eaux pour sauver financièrement l’activité du port autonome de Bordeaux » dénoncent les opposants.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Commentaire de Jacky Paillé:
Affaire classée.L'avenir le dira.


[Terminal Méthanier]
Le Premier Ministre François FILLON répond à Didier QUENTIN sur le projet de terminal méthanier au Verdon sur Mer


2007-11-14 00:00:00,

Vous avez appelé mon attention sur le projet de terminal méthanier au Verdon sur Mer, présenté par la société 4Gas. J'ai transmis une copie de votre courrier à Monsieur Jean-Louis BORLOO, Ministre d'Etat, Ministre de l'Ecologie, du dévelopement et de l'aménagement durables.
Comme vous l'a indiqué Madame Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, le débat public en cours sur ce projet de terminal méthanier se déroulera jusqu'au printemps 2008. Il devra aborder l'ensemble des questions liées au projet, et notamment celles que vous soulevez.
Au vu de ces conclusions, sil la société 4Gas décide de poursuivre le projet, elle sollicitera les autorisations administratives requises. Au cours de l'instruction, le Gouvernement accordera la plus grande importance aux aspects de sécurité, et de protection de l'environnement.