vendredi 22 février 2008

Et si notre système solaire avait des petits camarades dans l'univers ?

Depuis des lustres, les hommes sont confrontés à une interrogation de taille : leur système solaire est-il unique dans l’univers ? Lors de sa récente venue à Jonzac, nous avons demandé à l’astrophysicien Jean-Philippe Beaulieu où en était la recherche à ce sujet. Il y a quelques années, en effet, il a participé, avec une équipe de chercheurs, à la découverte d’une Terre, certes fort éloignée de la nôtre, mais présentant des similitudes, la présence d’eau en particulier. « On avance » déclare-t-il en indiquant la synthèse présentée par l’un de ses collègues, Pascal Fouqué, de l’Observatoire de Toulouse. Elle détaille la découverte de deux planètes analogues à Jupiter et à Saturne grâce aux lentilles gravitationnelles. Etonnant ! Et l’on se met à rêver d’une autre vie en dehors de nos frontières « naturelles »...


« Une nouvelle pierre vient d’être ajoutée à l’édifice de la connaissance des systèmes planétaires extérieurs au nôtre » souligne Pascal Fouqué de l’Observatoire de Toulouse. En effet, depuis la découverte des Jupiters chauds, en 1995, on sait qu’il existe des planètes géantes gazeuses très proches de leur étoile, inconnues dans le système solaire. Le nôtre serait-il particulier ? L’enjeu de cette question est de savoir si le développement de la vie est une étape commune à un grand nombre de systèmes planétaires ou si, au contraire, les particularités de notre système solaire font que la vie est plus rare qu’on ne le pense.
Parmi les 271 exoplanètes connues aujourd’hui, seuls vingt-cinq systèmes planétaires multiples ont été recensés. Seuls quelques-uns ressemblent vaguement à notre système solaire : « les théories de formation des systèmes planétaires prédisent que la masse des planètes géantes devrait décroître quand la distance à leur étoile croît, ce qui n’est pas observé dans la plupart des systèmes planétaires connus, sauf le système solaire » précise Pascal Fouqué.
La découverte de deux planètes analogues à Jupiter et Saturne, autour d’une étoile deux fois moins massive que le Soleil, par des équipes utilisant la technique de la microlentille gravitationnelle est donc très intéressante.
Ce procédé consiste à attendre un alignement presque parfait entre deux étoiles sur une ligne de visée. Cet effet a été observé par le télescope OGLE, situé à l’Observatoire de las Campanas, au Chili, fin mars 2006.
OGLE est une collaboration entre astronomes polonais et américains, qui utilise cette technique avec succès depuis quinze ans et détecte environ 600 événements de microlentilles par an. Toutefois, un seul télescope ne peut couvrir complètement une courbe de lumière.
D’autres réseaux de télescopes, répartis de façon uniforme dans l’hémisphère sud, au Chili, en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Israël, en Afrique et aux Etats-Unis, sont donc alertés. Plusieurs collaborations effectuent ce travail de suivi : microFUN rassemble des astronomes américains, coréens, israéliens, ainsi que des astronomes amateurs ; PLANET réunit une trentaine de chercheurs de toutes nationalités, dont plusieurs Français ; RoboNet est une équipe anglo-saxonne utilisant des télescopes en Australie, aux Canaries et à Hawaï ; enfin MOA regroupe des astronomes anglais, japonais et néo-zélandais autour de télescopes situés en Nouvelle-Zélande. Ces observations en réseau sont nécessaires car aucun groupe n’est en mesure d’assurer un suivi complet sans l’aide des autres.

Emotion au bout des télescopes...

Suivons donc le film des observations de cet événement : Fin mars, OGLE annonce qu’un nouvel événement de microlentille a été identifié dans la constellation du Scorpion, le 109eme de l’année 2006, d’où son nom OGLE-2006-BLG-109 (BLG signifie Bulge en anglais, car cette observation a été faite en direction du Bulbe central de notre galaxie). Deux jours plus tard, OGLE rapporte des observations anormales : la courbe de lumière ne suit pas le tracé standard, ce qui peut trahir l’existence d’une planète autour de l’étoile lentille. Les groupes de suivi se mettent à la tâche, le rendez-vous est prometteur ! Le 5 avril, une nouvelle déviation plus intense se produit et un télescope amateur néo-zélandais fournit les indications cruciales.
Dès le lendemain, Scott Gaudi, de l’Université d’Ohio, indique qu’une planète de la taille de Saturne est en orbite autour de l’étoile lentille. Il « pressent » une nouvelle déviation pour le 8 avril. Elle est observée, en effet, par les amateurs néo-zélandais, aux Etats-Unis par OGLE et par un télescope en Tasmanie travaillant pour le compte de PLANET.
Entre temps, une autre déviation est remarquée, principalement par les Israéliens et par OGLE. L’interprétation de cette déviation va conduire à la découverte de la deuxième planète.
La courbe de lumière est si riche en rebondissements que la modélisation finale ne laisse guère de doute sur la nature de l’événement. De plus, deux effets secondaires peuvent être mesurés, qui permettent une bonne détermination de la masse des planètes.
Le modèle final donne donc une étoile lentille située à environ 5000 années-lumière du Soleil, dont la masse est la moitié de celle du Soleil. Elle est accompagnée de deux planètes. La première, située à 2,3 unités astronomiques (1 unité astronomique est la distance de la Terre au Soleil), de masse 0,7 fois celle de Jupiter, effectue une révolution complète tous les 5 ans. L’autre met plus longtemps (quatorze ans), elle est à 4,6 UA et sa masse est 0,3 fois celle de Jupiter. Si on fait une comparaison avec notre système solaire (où Jupiter est à cinq UA, tourne en douze ans, Saturne à dix UA et décrit une orbite en vingt-neuf ans, avec une masse de 0,3 fois celle de Jupiter), on se retrouve en présence d’une « maquette » du système solaire à l’échelle 1/2. De plus, les températures d’équilibre de ces planètes sont de l’ordre de - 200°C, similaires à celle de Saturne.
Parmi les systèmes planétaires déjà connus, seul celui de l’étoile 47 UMa lui ressemble, avec deux planètes de masse 3 et 1 Jupiter, situées à 2 et 8 UA de leur étoile. Dans le cas qui nous intéresse, l’étoile se trouve à 46 années lumière du Soleil, donc 100 fois plus près.
L’un des avantages de la technique de microlentille gravitationnelle est de pouvoir détecter des planètes autour d’étoiles lointaines, inaccessibles par d’autres techniques d’observation, et de démontrer leur existence dans toute la galaxie. Si, de plus, le système planétaire découvert ressemble au nôtre, il serait tentant d’écrire que « notre système solaire n’a rien de particulier ». Vie extraterrestre en vue ?...

Questions à Jean-Philippe Beaulieu : 
« nous avons découvert une autre planète »

Jean-Philippe Beaulieu, je suppose que vous suivez de près ces récentes découvertes ?

Cette découverte a été orchestrée par nos collègues américains et nous avons apporté une pierre à leur édifice avec des observations faites depuis l’Australie. De notre côté, notre réseau de télescopes continue à tourner comme une horloge et nous en avons plusieurs planètes en « stock ». On peut souligner une spécificité quant à la recherche de planètes : les différentes équipes partagent toutes les informations immédiatement pour augmenter les chances de découvrir des planètes. Ensuite, l’analyse est menée par l’équipe qui a obtenu le plus d’observations et elle invite les autres à se joindre à elle. Pour la cousine glacée de la Terre, notre équipe menait la danse ; cette fois-ci, c’est l’équipe américaine.
La coopération totale entre équipes, autrefois concurrentes, a permis d’augmenter de manière très importante notre efficacité.

Le système solaire découvert a l’air très proche du nôtre, mais il reste tout de même très éloigné. Est-ce qu’une sonde pourrait y être envoyée en exploration ?

Ce système est à 5.000 années lumière de distance, c’est-à-dire que pour l’atteindre à la vitesse de la lumière, il faut 5.000 ans. Il est beaucoup trop lointain pour y envoyer une sonde. D’ailleurs, même envoyer une sonde vers l’étoile la plus proche de nous (à 4 années lumière) n’est pas envisageable : en effet, avec la technologie actuelle, le voyage durerait 100.000 ans...

Où en sont vos actuels travaux ?

Avec trois collègues, nous avons découvert une autre planète, petite ( 4.8 la masse de la terre ) qui tourne autour d’une étoile toute proche de nous, à 30 années lumière. C’est une planète assez sympa : même si c’est une fournaise durant la journée (plus de 200 degrés), la nuit est plutôt «agréable» (30 degrés). A titre d’information, rappelons que sans atmosphère, il ferait sur la Terre 80 degrés le jour et - 50 la nuit !

Que devient cette «cousine» de la Terre découverte il y a quelques années ? En sait-on un peu plus sur elle ?

Nous n’avons pas eu d’informations supplémentaires sur elle. Cette découverte est, par contre, totalement acceptée par l’ensemble de la communauté scientifique. Désormais, nous savons aussi qu’elle doit avoir beaucoup de copines semblables à elle autour d’autres étoiles !

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