vendredi 15 août 2008

La grande Muraille de Chine : Elle est unique !


L'apercevoir à l'horizon, ondulant sa colonne vertébrale sur les sommets des montagnes, est un moment inoubliable. La Grande Muraille parle, c'est une évidence. Elle s'étale comme un long ruban qui pourrait conduire vers l'éternité, qui sait ?
On ne marche pas simplement sur la Muraille, on la vit, telle une architecture habitée qui vous rejoint à travers les siècles...



Vous souvenez-vous de cette publicité où un homme regardait le soleil se lever sur la Muraille de Chine ? Ce message télévisé vantait les mérites de la téléphonie mobile. Quand l'astre brille pour les uns, il s'endort pour les autres, sans jamais disparaître !
L'endroit était magnifique, et pour cause : cette construction est unique, quel que soit le tronçon où vous vous trouvez. Le plus fréquenté, Balading, est proche de Pékin. Il a parfois des allures de foire et le vieil air « la solitude, ça n'existe pas » y prend tout son sens. L'affluence y est grande, en effet. Les hommes ou femmes politiques français s'y font généralement prendre en photo, la dernière en date devant être Ségolène Royal. Les marchands abondent en ce lieu médiatique et proposent moult souvenirs dont il faut débattre le prix. Bienvenue aux touristes, aux faux jade et babioles assorties !
L'ambiance est différente à Mutianyu qu'on atteint après une ascension en téléphérique. Les camelots guettent les visiteurs le long du chemin escarpé qui conduit à la station. Ensuite, « tout devient calme et enchanteur » selon l'expression des Romantiques.
Ce petit vol dans les airs, riche en sensations, mène à l'imposant rempart, construit en d'autres temps pour lutter contre les incursions turco-mongoles.
Bâtie au VIe siècle, cette portion est en bon état. Aménagée au XIVe par les Ming, ils lui donnèrent ses dimensions actuelles un siècle plus tard. Elle a fière allure avec ses tours de guet et ses marches inégales, tantôt hautes, tantôt larges, qui déconcertent le randonneur. Ces mesures variables ont un avantage : elles chassent la monotonie et rendent le parcours sportif ! Certains escaliers ont une montée si rude qu'à leur pied, l'appréhension vous guette : Gravira, gravira pas ? Allez, un petit effort jusqu'au ciel ! La descente devient alors une agréable perspective.

Un gigantesque défi

S'investir physiquement au cœur d'une œuvre unique est-il nécessaire à la compréhension du lieu ? Penser à autre chose est certes envisageable. S'intéresser au paysage, par exemple, aux proportions du Grand Mur, imaginer soldats et cavaliers d'antan, gamberger sur le temps qu'il fait. Toutefois, sans approche approfondie, la quête resterait incomplète.
Au cœur d'une dimension aussi particulière, la vraie question est de savoir où se situe la lueur, celle qui éclaire le chemin. Se trouver à l'intérieur de la Muraille, c'est entrer dans la mémoire du monde, dans une histoire faite de sang, de sueur et de larmes. Ce défi quasi inhumain a provoqué tant de morts pour se réaliser et traverser les âges qu'il semble entraîner le visiteur dans ses entrailles.
La Muraille n'est pas muette. Chaque pierre, chaque graffiti est un témoignage qui la transforme en monument où le visible côtoie l'invisible. Quel que soit le sentiment éprouvé, elle ne laisse jamais indifférent. "Elle a été baptisée le plus grand cimetière du monde car de nombreux ouvriers et prisonniers y sont morts d'épuisement pendant sa construction. Nombreux sont enterrés sous les remparts et fortins. Ce passé ne peut pas être occulté" soulignent les historiens.
Quand arrive le dernier bastion (ou celui qui est censé l'être), la satisfaction est si grande que la fatigue s'envole. Par-delà cette « ultime » étape, des ruines se devinent et la végétation, qui a repris ses droits, peut cacher éboulis et autres dangers. La Muraille se mérite, c'est une évidence !
Sur les flancs boisés, le retour par une sorte de toboggan - style bobsleigh, la glace en moins - vaut son pesant d'or. Ne manque qu'une caméra cachée à l'arrivée...

Aïeule de l'humanité

Large de 5 mètres et haute de 10 mètres en moyenne, la Muraille est aïeule de l'humanité. Elle s'étend sur plus de 6000 kilomètres, de la Mer Jaune au désert de Gobi.
Classée au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1987, on a longtemps prétendu qu'elle était visible de la Lune. L'est-elle vraiment ? Sur ce chapitre, les avis sont partagés. D'après l'astronaute Leroy Chiao, « elle le serait depuis l'espace par beau temps et à l'œil nu », tout comme les pyramides d'Égypte et le troisième périphérique de Pékin.
Il est vrai que la voiture se développe prodigieusement dans la capitale, mais là est un autre sujet. La Chine compte 1,3 milliard d'habitants et sa superficie équivaut à vingt fois la France. On réalise alors toute l'étendue du problème énergétique chinois, l'une des préoccupations majeures du XXIe siècle avec la pollution.


Chaque époque a ses priorités. Autrefois, la Chine, craignant les invasions, a édifié une Muraille pour s'en protéger. Aujourd'hui, c'est elle qui doit aller, à l'étranger, rechercher les gisements de minerais que son sous-sol tari ne peut plus lui donner...

Infos en plus :

• Ligne de démarcation

Au IIIe siècle avant JC, l'empereur Qin Shi Huang (connu pour son armée enterrée) fit relier entre eux différentes tronçons de la Muraille édifiés par les Etats combattants afin de constituer une véritable protection. Les autres dynasties poursuivent son travail. En cas de danger, pour alerter la capitale, les soldats émettaient des signaux de fumée à partir des tours de guet. La nuit, ils employaient des lanternes. Par la suite, ces moyens furent modernisés.

• Chef d'œuvre en péril ?

Sur les tronçons de Jinshanling et Simatai, se promener sur la Grande Muraille relève du parcours du combattant car des passages, en l'état, peuvent être très dangereux pour un promeneur non averti. Selon une étude, 20% de la Muraille ont été restaurés, 30% sont en ruine et le reste (50%) a disparu.
En certains endroits, les pierres sont pillées et servent aux constructions locales. Le Gouvernement a pris des dispositions afin de protéger son ancêtre, mais seront-elles appliquées dans les lieux les plus reculés ?
En raison de sa longueur, la Grande Muraille est appelée « La longue muraille de dix mille li», le li étant une unité de longueur et dix mille symbolisant l'infini.
Après la chute des Ming, au XVIIe siècle, le général Wu Sanghi, l'un des « gardiens » de la Muraille, s'allia aux Mandchous et leur en ouvrit les portes. Ils déferlèrent alors sur le pays : ce rempart dit invincible, véritable ligne de démarcation, avait montré ses limites. La dynastie Qing régna de 1644 à 1911.
Comme la plupart des grandes fortifications, la Muraille n'a donc jamais servi. Dans la lutte entre le sabre et le bouclier, c'est toujours le sabre qui gagne ! La France en sait quelque chose avec sa fameuse ligne Maginot que l'on visite encore paisiblement...

Photos 1 et 2 : Une partie de la Muraille vue de haut, puis de bas.

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