vendredi 3 octobre 2008

Les faux monnayeurs ! Les Français ne cachent pas leurs inquiétudes…


Finis les parachutes dorés, les golden boys en goguette et les portefeuilles en folie ? Depuis la crise financière de septembre 2008, l’économie mondiale risque-t-elle de vaciller ? Les marchés paniquent face à ce « sida » bancaire : L’Europe va-t-elle en pâtir et dans quelles proportions ? Questions. Nicolas Sarkozy demande une réunion rapide du G8...


La société de consommation a du plomb dans l’aile. Le leader de la Ligue Communiste Révolutionnaire, Olivier Besancenot, n’avait pas imaginé qu’en 2008, l’ère du capitalisme triomphant serait atteinte dans ses fondements. Même dans ses rêves les plus fous ! Jusqu’alors, la population aurait-elle vécu au-dessus de ses moyens ? Les observateurs le pensent.
La crise a commencé aux États-Unis où de nombreux biens immobiliers ont été saisis, les propriétaires ne pouvant plus payer. Un gravier dans l’engrenage et la machine présente des signes de faiblesse. La suite n’a fait que confirmer les inquiétudes. Lehman Brothers en faillite : qui l’eût cru ? Depuis, la bourse fait du yoyo et l’avenir semble incertain.
Lundi à Washington, les élus républicains de la Chambre des représentants (l’équivalent de l’Assemblée Nationale) ont refusé de voter le soutien aux banques proposé par l’administration Bush qui envisageait d’insuffler 700 milliards de dollars pour redresser la barre. Ils avaient reçu des milliers de mails de leurs électeurs, s’élevant contre le paiement des pertes bancaires par le contribuable. On les comprend : les six principaux banquiers américains se sont partagés un gâteau de trois milliards et demi de dollars de bénéfices ces deux dernières années ! « Nous avons présenté un plan d’envergure parce que nous avons un problème d’envergure » a déclaré Georges W. Bush à la presse. Il n’a d’ailleurs pas caché son désappointement face au premier rejet du plan Paulson...
Il ne restait qu’une seule opportunité pour tirer les banques de leur marasme. Amendé et représenté, le fameux plan de 700 milliards a été adopté mercredi soir par le Sénat américain. Une nouvelle fois sollicitée, la Chambre des représentants se prononcera, quant à elle, vendredi...
Sans cette intervention de la dernière chance qui entraînera une nationalisation des organismes bancaires en difficulté par l’État, c’est le système américain - et donc mondial - qui risque de s’effondrer. Faute de moyens, serait alors remis en cause tout l’engagement des USA à l’étranger, dont les interventions armées en Afghanistan et en Irak.

La chute du mur de Wall Street


Nous sommes actuellement dans un trou économique entraînant un véritable crack boursier. La crise de confiance des banques entre elles conduit à une absence de liquidités et donc à une restriction des crédits vers l’économie réelle.
Que s’est-il passé ? Il y a plus d’un an que l’anguille était sous roche. Les ardents financiers américains de Wall Street et les brillantissimes jeunes gens de la City, à Londres, ont inventé une merveilleuse machine à faire du profit. Le fil à couper le beurre ! L’affaire est simple : il s’agit de prêter de l’argent pour acheter une maison ou des équipements (voiture, etc) à des clients plus ou moins solvables.
Le risque de n’être pas remboursé étant grand, cet acte courageux a évidemment un prix avec un taux élevé d’intérêts, de l’ordre de 20 % pour les crédits à la consommation.
Une fois que vous avez consenti un certain nombre de prêts et engrangé des contrats portant ces intérêts substantiels, vous faites de ce joli paquet « un produit dérivé ».
Un produit dérivé est un titre réunissant à lui seul un ensemble de créances. Il représente un intérêt important qui est le taux réel du prêt, diminué d’un honorable bénéfice pour le créateur du produit. On le divise alors en titres, la "titrisation", et les créances ainsi "titrisées" se retrouvent dans le portefeuille d’épargnants plus aisés, Sicav et autres opportunités. Cette formule permet d’augmenter le rendement des placements.
Ce système repose sur des calculs de probabilité conduisant à la conclusion que le risque de non remboursement de toutes les créances primitives au même moment est inexistant.
La perspective était alléchante et le principe a fonctionné "joliment". Or, manque de chance, depuis un an, moult créances immobilières - baptisées "subprimes" - n’ont pas été honorées en même temps à leurs échéances par des familles en situation précaire. Les titres lâchés dans la nature sont alors devenus de vulgaires papiers, comme ce fut le cas à l’époque de Louis XV, avec la banqueroute de Law et la Compagnie du Mississipi.


Besoin de changement ?

Résultat, c’est la confusion : on ne sait pas où sont ces fameux titres, combien ont été émis et chez qui ils se trouvent. Méfiantes, les banques se replient sur elles-mêmes. Il en résulte un manque d’argent liquide que tentent de compenser les Banques centrales en refaisant un métier qui était le leur voici plus de 40 ans. Cette crise de liquidité signifie une baisse des crédits et leur renchérissement pour l’économie réelle.
Le coup de frein est brutal, les jeunes financiers de Wall Street perdent leur travail et leurs illusions. Ils ne seront pas les seuls. Depuis la chute du mur de Berlin, la doctrine libérale, telle une poule aux œufs d’or, semblait miraculeuse. La déception est sévère.
« Le marché ne peut exister qu’à condition de s’appuyer sur une morale » disait le dramaturge tchèque Vaclav Havel. La fameuse globalisation anglo-saxonne, le libre échange à tout va, les délocalisations de productions ont des effets extravagants. Ainsi, la Chine est devenue le premier créancier des Etats-Unis et les Chinois commencent à se demander comment ils seront un jour remboursés.
Quant à l’Europe qui pourrait saisir cette occasion pour refonder les règles d’une économie planétaire sans adhérer à celle des USA, menacée, elle reste tétanisée et ne propose rien, comme si les états qui la composent étaient dirigés par des élus frileux, ignorant l’extraordinaire chance d’un renouveau humaniste qui passe à leur portée. On attend la prochaine réunion du G8.
Après avoir admiré si longtemps le fameux modèle américain, les oiseaux fascinés par la lumière auraient-ils perdu la vue ? Pas tout à fait ! Ils ont gardé leur langue et savent impressionner tout en essayant de rassurer, tel Nicolas Sarkozy dans son dernier discours.
La gifle et le baiser, sur fond d’apocalypse ? Quand le président s’entourera-t-il enfin d’élites compétentes ? Ou bien devrions-nous reprendre, à notre compte, l’actuel slogan de Barack Obama
« Change we need » ?...
N’oublions pas qu’Hitler a profité de crise de 1929 pour accéder au pouvoir et que tout bouleversement favorise les doctrines populistes extrêmes. Nous en avons la récente illustration en Autriche où près de 40 % des moins de 18 ans ont voté pour le parti de Heinz Christian Strache aux dernières élections législatives...

Infos en plus


• La France et la Belgique au secours de Dexia

Comme Fortis, Dexia va bénéficier d’une aide de 6,4 milliards d’euros qui va conduire à sa quasi-nationalisation.
Concrètement, les gouvernements français et belge injecteront 1 milliard d’euros, tandis que l’Etat luxembourgeois investira 376 millions sous forme d’obligations convertibles. Les trois Régions belges, Flandres, Wallonie et Bruxelles apporteront 1 milliard supplémentaire. Les grands actionnaires de Dexia vont aussi être mis à contribution, à commencer par la Caisse des Dépôts qui portera sa part dans le capital de 11,9 % à 19,3 % en mettant 2 milliards d’euros sur la table. Les trois actionnaires institutionnels belges (Holding Communal, Arcofin et Ethias) insuffleront enfin 1 milliard d’euros. Les autorités françaises et belges ont estimé qu’il était "indispensable" d’intervenir pour éviter la catastrophe. Bien que n’ayant pas d’agences bancaires en France, Dexia a prêté à ce jour 200 milliards d’euros aux collectivités locales françaises.

• La France veut laver plus blanc


Dans le journal "Les Echos", le Premier Ministre, François Fillon a détaillé le dispositif envisagé pour empêcher la faillite des banques (adossement de l’Etat, prise de participation) : « nous nous donnerons les moyens d’empêcher un sinistre financier majeur », a-t-il affirmé. Et d’ajouter : «Il faut que nous préparions rapidement la réunion du G8 élargi proposée par Nicolas Sarkozy et que nous agissions sur le plan européen. Très concrètement, nous proposons la responsabilisation des agences de notation, y compris sur le plan juridique ; la mise en œuvre "intelligente" des règles comptables ("mark to market") ; le contrôle des paradis fiscaux ; l’encadrement des opérations de marchés à découvert. Nous avons mis tout cela sur la table et nous attendons que nos partenaires répondent».

• La seconde chance du Plan Paulson

Modifié par rapport à la première version, il prévoit des mesures fiscales en faveur des entreprises, la prorogation d’un an d’un dispositif permettant à plusieurs millions d’Américains de ne pas payer d’impôts supplémentaires, des réductions ou crédits d’impôts pour les investissements dans les énergies propres ou l’utilisation de carburants alternatifs.

Photo 1 : "L’Argent", lithographie de P. Gavarni (1838).

Photo 2 : Wall Street, la très célèbre bourse américaine. Son nom officiel est NYSE, New York Stock Exchange.

Aucun commentaire: