vendredi 21 novembre 2008

Quand les Saintongeais rêvaient d’une Nouvelle France


Il y a quatre siècles, on embarquait du port de La Rochelle pour aller chercher une vie meilleure en Nouvelle France ( futur Québec). Parmi ces candidats à l’aventure qui n’avaient pas froid aux yeux, certains venaient de la région.


Vendredi, Yves Marie Bercé, directeur honoraire de l’École des Chartes, était l’invité de l’association des Amis des Archives. Le thème de sa conférence gravitait autour des déplacements campagnards au XVIIe en Saintonge et en Angoumois.
À cette époque, la promesse de territoires à exploiter se trouvait en Nouvelle France où Champlain, originaire de Brouage, avait édifié une première habitation et fondé la ville de Québec en 1608. Il rêvait d’ailleurs de découvrir la route des Indes, quelque part à l’Ouest. En vain...
Les candidats à l’aventure étaient donc nombreux. S’il est difficile de recenser les passagers qui payaient leur traversée de la main à la main aux capitaines (ils n’ont pas laissé de témoignages écrits), les enregistrements sous contrat, par les compagnies de recrutement, sont estimés à environ 3100 pour la région (sur un chiffre global de 7300 départs environ).
Le portrait des voyageurs ? Ils possèdent en général un métier : laboureurs, artisans, bûcherons. Ils sont célibataires ou veufs, catholiques, âgés de plus de 23 ans et leur instruction est plus élevée que la moyenne. Ils attendent tout simplement une vie meilleure !


Le salaire moyen était de 70 livres. « On dit souvent que les gens qui embarquaient étaient misérables. C’est une idée fausse » souligne Y.M. Bercé. Sur place, les Jésuites étaient demandeurs de main d’œuvre agricole en particulier. Évidemment, les Antilles, avec leur climat agréable, étaient plus attrayantes que le futur Québec !
Parmi les migrants, nombreux étaient cousins et les femmes accompagnaient leurs maris. La Rochelle était l’un des ports où s’effectuaient les formalités. À la signature du contrat, les volontaires recevaient habits et chaussures. La traversée durait environ trois mois et elle pouvait souffrir d’aléas, tempêtes et attaques de corsaires. Partir ne voulait pas dire qu’on s’installait définitivement en Nouvelle-France : chaque année, un certain pourcentage rejoignait son pays d’origine.


D’autres, par contre, préféraient se marier après six ou sept ans de séjour et créer une lignée. Cette décision n’était pas forcément de tout repos puisque les Iroquois (Indiens féroces !) n’appréciaient guère leur présence qui empiétait sur les secteurs de chasse.
Conscient du problème, Colbert envoya le régiment de Carignan Sallières pour défendre les colons. Des forts virent le jour sur la rivière Richelieu. Les soldats rentrèrent quelques années plus tard en France, en 1668. 400 restèrent Outre Altantique.
Malgré ces implantations, les Français ne furent jamais assez nombreux pour s’imposer dans cette partie du monde face aux Anglais. Qu’importe, nos cousins d’Outre Atlantique n’ont pas oublié leurs racines et rappelez-vous de la célèbre phrase du Général de Gaulle: “vive le Québec libre” !


Photo 1 : Marie Yves Bercé est membre de l’Institut. Chartiste et ancien membre de l’École française de Rome, il a soutenu en 1972 une thèse de doctorat sur les soulèvements populaires dans le sud-ouest de la France au XVIIe siècle. Il est l’auteur de Croquants et Nu-pieds, paru en 1974. En 1998, l’ensemble de son œuvre a été distingué par le prix Laurain Portemer. Il a été élu membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres le 30 novembre 2007, au fauteuil laissé vacant par Pierre Amandry.
Sur cette photo, il est aux côtés d’Hélène Taillemite, responsable des Archives de Jonzac. Prochaine conférence avec Karine Robin le 11 décembre sur la villa gallo romaine de Jonzac.

Photos 2, 3 et 4 : Un public attentif aux explications de Marie Yves Bercé.

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