mercredi 19 août 2009

L’église de Vallet, endommagée par les frères La Rochefoucault : Sa crypte est à découvrir


Sa simplicité actuelle, qui se réduit à quatre murs sobres, résulte des guerres de religion. Quelle était sa structure initiale ? On l'ignore, mais on peut toujours imaginer un clocher, des sculptures et des piliers à chapiteaux !
Il y a quelques années, lors d’une conférence, l’historien Marc Seguin a relaté « les malheurs »
que subirent certaines églises du canton de Montendre au XVIe siècle…

«Entre 1570 et 1580, les Saintongeais ont sans doute subi la décennie la plus douloureuse de leur histoire depuis la Guerre de Cent ans» souligne Marc Seguin.
Avant d’énumérer leurs malheurs, il est bon de rappeler dans quelle situation se trouve alors le pays. La Réforme, grande révolution religieuse du XVIe siècle, divise l’Europe chrétienne en deux camps distincts, les Catholiques et les Protestants. La puissante congrégation des Jésuites ne parvient pas à «contrecarrer» la percée calviniste. Cette division donne naissance à des guerres très sanglantes dont l’épisode le plus connu est la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572. Aux croyances des uns et des autres, se mêlent passions et convoitises “terrestres” avec, en filigrane, le sacro-saint pouvoir.

La Saintonge n’est pas épargnée. Particularité, la sénéchaussée de Saintonge compte deux sièges, Saint-Jean d’Angely, au nord et Saintes au sud. En véritable capitale locale, cette dernière dispose d’un présidial et d’un sénéchal. Les affaires sont traitées au Parlement de Bordeaux qui se réunit au palais de l’Ombrière et représente l’autorité. Le territoire est composé de châtellenies. Elles sont approximativement de la taille de nos cantons, à part Ozillac et Fontaines d’Ozillac qui n’appartiennent pas à Jonzac.

Dans les zones occupées par les Protestants, la messe n’est plus célébrée depuis dix ans et les églises sont gravement endommagées.


L’église de Vallet malmenée

La région de Montendre n’a pas échappé aux règlements de compte. A cette époque, Vallet, dans la Châtellenie de Montendre, dépend du baron Louis de la Rochefoucault, seigneur huguenot également propriétaire de la châtellenie de Montguyon où est rendue la haute justice. Il vit dans le château de Montendre dont subsiste la fameuse tour carrée.
La châtellenie de Montendre réunit de 24 paroisses. Elle déborde sur "le Vitrezay" qui comprend, entre autres, Reignac, Marcillac et Donnezac, communes qui se trouvent actuellement en Gironde.

« Les fils la Rochefoucault sont de sacrés lascars » dit-on. Ils répondent aux prénoms de Louis, François et Gaston. Aux alentours de 1562, ne doutant de rien, ils font, au nom de Dieu, main basse sur les églises du coin, en chassent les curés et s'empressent d'empocher leurs revenus. Leurs exactions sont nombreuses. Charles, par exemple, prend possession du presbytère de Chardes tandis que celui de Vallet est rasé.

La période où ils sévissent le plus se situe vers 1568, 1569. Les églises sont carrément démolies selon une méthode invariable : les assaillants détruisent d'abord la façade, puis ils remontent jusqu'au chœur. Sont ainsi pillées Reignac, Donnezac, Souméras (où existe un édifice consacré à Saint Blaise), Montendre, Corignac, Jussas, Chardes, Coux, Chartuzac, Expiremont, Pommiers, Moulons, Chaunac, Vibrac, Messac, le Pin, Chatenet (moins malmenée par rapport aux autres) et celle qui nous intéresse, Vallet.

Dans cette dernière, ne subsistent de l’architecture primitive que l'abside et la crypte. Au Moyen âge, elle était réputée pour soigner les maux de tête et les paroissiens y venaient en procession.
Victime des actes de vandalisme commis par les frères La Rochefoucault, cette crypte a été consolidée en son milieu par deux gros piliers. Cependant, une autre hypothèse est envisageable : si le plafond présentant des faiblesses, ces appuis devinrent nécessaires pour protéger la population d’un effondrement, tout simplement.


Condamnés à mort par contumace

Après la signature de l'Edit de Nantes, la liberté de culte apporte un certain apaisement dans la région. Les Catholiques du secteur de Montendre rebâtissent leurs vaisseaux spirituels et peuvent à nouveau pratiquer leur culte en toute tranquillité.
En 1565, les tensions étant moins fortes entre les deux camps, le roi Charles IX et Catherine de Médicis avaient entrepris un Tour de France en province. Parmi les objectifs poursuivis, ils purent constater « de visu » si les Protestants avaient restitué les églises aux prêtres. Dans la majorité des cas, les choses étaient rentrées dans l'ordre, sauf à Montendre où les trois frères agissaient comme au temps d’avant.

Un commissaire du Parlement, M. de Bellot, fut mandaté sur les lieux. Un frère La Rochefoucault récalcitrant fut arrêté et écopa d'une amende. Courageux mais pas téméraires, les deux autres préférèrent prendre la fuite. Ils furent condamnés à mort par contumace.
Lorsque les hostilités reprirent, on les vit bien sûr réapparaître jusqu'à la signature, en 1598, du fameux Edit qui mit un terme aux agitations.

Dans la région, plusieurs édifices religieux eurent la chance d'être épargnés pour des raisons diverses et variées : Rouffignac appartenait au Roi de France avec Nancras, Saujon et Champagne. Comme Chevanceaux, la paroisse de Mérignac appartenait à l'Angoumois, territoire commandé par le célèbre Duc de Montausier, cousin de Léon de Sainte-Maure. Tugéras avait un seigneur qui rendait la haute justice (il pouvait doc prononcer une sentence de mort). Bussac et Lugéras dépendaient de l'ordre des Hospitaliers, successeurs des Templiers ; Polignac était sous la responsabilité d’un avocat bordelais, protestant mais loyaliste. Quant à Sousmoulins, elle fut épargnée (ce dont on peut se réjouir car cette église est l’une des plus intéressantes du secteur). On peut s'interroger à son sujet car cette église qui ne semblait pas figurer dans la châtellenie de Montendre...

Aujourd’hui l’église de Vallet, qui a été restaurée dans le cadre des Chantiers Solidarité Jeunesse par Philippe Lalande, alors maire, est trop souvent fermée. Les offices y sont rares et, fatalité, les seuls rassemblements sont les enterrements.
Des concerts pourraient y être organisés et pourquoi pas des expositions ? Que les organisateurs de la randonnée aient inscrit à son programme la visite de l’édifice est une excellente idée !

Photos : les bases du clocher découvertes durant les travaux, la crypte et les randonneurs écoutant l'histoire de ce lieu.

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