jeudi 5 août 2010

Histoire : Où était
l’énigmatique Portus Santonum ?


Lorsque la ville du Fâ et ses premiers vestiges ont été mis au jour en Charente-Maritime, en bordure de littoral atlantique, certains historiens ont pensé qu’ils avaient enfin localisé Portus Santonum, le port des Santons cité par Ptolémée.

En effet, au IIe siècle, l’astronome grec mentionna dans sa “géographie“ l’existence d’un portus santonum ou santonon limen sur la côte Atlantique française. Il donna des indications, ou plutôt de mesures, sur son emplacement. À l’époque gallo-romaine, l’actuelle Charente Maritime faisait partie de la Gaule Aquitaine et sa ville principale était Mediolanum Santonum (actuelle Saintes). Que ces populations aient une ouverture sur la mer semble naturel. La difficulté de localisation vint qu’ensuite, il ne fut plus question du fameux “Portus Santonum“ dans les textes ultérieurs.
Intrigués, les historiens des temps modernes entreprirent des recherches, se basant sur les données de Ptolémée, dont les écrits faisaient encore référence au Moyen-Âge et à la Renaissance. Leurs interprétations suscitèrent des interrogations. Leurs estimations étant approximatives, ils indiquaient des sites qui ne pouvaient pas être l’endroit recherché. Des erreurs de traduction, quant au sens exact de Santonon Limen, vinrent compliquer la situation.
Dans un premier temps, on pensa que limen voulait dire port. Une évidence finit par s’imposer dans les esprits. Plus que d’un port, il devait s’agir d’un lieu géographique, d’un promontoire par exemple. Fallait-y abandonner la notion de havre, quais d’entrepôts et bassins et privilégier une baie sous un abri où les navigateurs en difficulté pouvaient trouver refuge ? Car c’est bien aux marins que Ptolémée s’adressait avant tout ! Il y a tout lieu de penser que cette version est la bonne.

Il y a une vingtaine d’années, une piste fut explorée. Le Limen des Santons aurait pu se trouver entre la Grande Côte et Saint Augustin, au petit port d’Anchoine, lieu mythique aujourd’hui disparu. Certaines découvertes apportaient de l’eau au moulin. Dans le marais de Saint Augustin, ont été retrouvés les vestiges d’une belle villa gallo-romaine avec trois niveaux de mosaïques, signe de l’opulence de son propriétaire.

Des amphores trouvées en grand nombre

A voir au musée du Fâ, ce détail d'un bassin

Les premières pinces à épiler (musée du Fâ) !

Au début de l’ère chrétienne, lorsque les Romains arrivèrent en Santonie, il existait une sorte de perthuis de la mer entre Chaillevette et le Breuillet. Pourquoi certains patriciens auraient-ils quitté la Saintonge pour s’implanter dans cette partie marécageuse, difficile d’accès ? D’après le professeur Louis Maurin, l’explication serait simple : des troubles importants, liés aux invasions barbares du IIIe siècle, avaient ébranlé Saintes. Les riches habitants auraient alors pris la fuite : « nous étions dans le contexte de la barbarie phobie » estime Bernard Tastet. Mediolanum Santonum avait été détruite en grande partie. On comprend mieux pourquoi l’exode devenait la seule issue possible de survie.

De nombreuses monnaies ont été retrouvées sur le site

Jacques Dassié, prospecteur d’archéologie aérienne, s’est penché sur le Portus Santonum. La cité mise à jour à Barzan serait Novioregum. Pour Bernard Tastet, le portus pourrait être le golfe d’Arvert qui disparut plus tard pour devenir l’étang de Barbereu : « Les sables agglomérèrent d’énormes stocks à la pointe occidentale de l’Île d’Arvert pour dessiner, avec son erratique flèche sédentaire, un abri temporaire que Ptolémée baptisa Portus Santonum. Il fallut attendre une époque récente pour décrypter le message géodésique du savant grec et cesser de chercher un établissement portuaire gallo-romain là où il indiquait la présence d’une baie ou d’une rade sur la dangereuse côte aquitaine. Deux siècles plus tard, piégé par les sables, Portus Santonum a disparu comme, par la suite, bon nombre de villages ensevelis à jamais. Il se transforma en étang, l’étang de Barbareu, aujourd’hui les marais de saint Augustin, dont l’exutoire laborieusement creusé dans la banche écoule ses eaux vers la Seudre par le canal de la Mer qui marqua définitivement la limite entre la terre d’Arvert et celle de Mornac ».

Si l’on part du principe que la carte ancienne du moine Jacopo d’Angelo (XVe siècle) fait apparaître une baie à l’endroit que nous venons de mentionner, pourquoi le fameux Portus Santonum ne serait-il pas, en effet, l’éphémère golfe d’Arvert, dont l’île a perdu son insularité à la suite de la dernière grande régression marine ?…

Le signe des premiers Chrétiens gravé dans la pierre du théâtre antique du Fâ

Reportage/photos Nicole Bertin

Aucun commentaire: