samedi 20 décembre 2014

Saintes : Femmes d’aujourd’hui
et franc-maçonnerie

« La franc-maçonnerie n’est pas une secte. Pourquoi ? Parce qu’on peut la quitter aussi simplement qu’on y est entré » 

Samedi 22 novembre, la loge Les Dames de Saintonge recevait Jacqueline Carlot, présidente adjointe de la Grande Loge Féminine de France, la déléguée nationale aux droits de la femme et une responsable régionale de la Grande Loge Féminine de France. Thème de la conférence : « femmes d’aujourd’hui et franc-maçonnerie ». 

Un livre dont le titre se passe de commentaires
Régulièrement, les loges organisent des conférence ouvertes aux profanes, c’est-à-dire au public afin de se faire mieux connaître. A une époque où la franc-maçonnerie fait de nouveau l‘objet d’attaques directes, où les temples sont tagués, les peurs historiques reviennent et seule une bonne communication permet de répondre aux questions.
En effet, le secret qui entoure la franc-maçonnerie suscite des réflexions et ses rituels peuvent sembler étranges à qui n’en comprend pas le sens. La Grande Loge Féminine de France comprend 14000 membres. Les Dames de Saintonge ont 25 ans d’existence. Qui peut les rejoindre ? « Les sœurs viennent de tous horizons et cultures. Chaque candidature est étudiée avec attention. La marche à suivre est philosophique, laïque et humaniste afin de constituer une société harmonieuse dans la liberté et la tolérance ».
Tour à tour, les intervenantes expliquent que la franc-maçonnerie ne doit en aucun cas éveiller la suspicion : « pour savoir qui nous sommes, il suffit d’aller dans une librairie. Il existe de nombreux ouvrages à ce sujet. Sur internet également, on trouve des informations. On dit que nous sommes un pouvoir occulte, une organisation poussiéreuse avec des traditions désuètes, des décors bizarres et chamarrés dans un temple secret. Nous ne sommes pas une secte. Pourquoi ? Parce qu’on peut quitter la franc-maçonnerie aussi simplement qu’on y est entré ». Et ses implications dans le monde politique ? Là encore, les sœurs soulignent qu’elles ne font pas de politique, qu’elles n’ont aucune influence sur le Gouvernement sinon quand elles sont consultées, dans le cadre de commissions, sur les grands sujets de société. Elles-mêmes appartiennent à différentes sensibilités à l’exception… du Front national : « la politique n’a pas lieu dans les loges ». On ne peut pas en dire autant de certains cercles masculins toutefois. Dans son livre paru en 2006 « le devoir de déplaire », le procureur de la République Éric de Montgolfier, y critique l'influence des réseaux maçonniques affairistes, à Nice en particulier, et déclare que pour un magistrat désireux de préserver l'indépendance de la justice, « il vaut mieux éviter d'adhérer à une loge »

« Les femmes doivent apporter leur vision, leur point de vue au même titre que les hommes »

« La franc-maçonnerie n’est pas une religion en tant que croyance » précise la présidente adjointe de la GLF. « Pourquoi entrer en franc-maçonnerie ? Pour démarrer un parcours initiatique, nous avons besoin de savoir d’où nous venons ». Avant d’appartenir à des loges féminines à part entière, les femmes ont dû faire leur preuve et leur fut appliqué un régime spécial avec des rites spécifiques. Restant sous la dépendance des loges masculines, on appelait leurs cercles de réflexion les « loges d’adoption ». Cela n’empêcha pas Joséphine de Beauharnais d’accéder à des grades élevés (le plus important étant le 33ème degré). Aujourd’hui, les mentalités ont évolué et les femmes peuvent rejoindre une loge totalement féminine, mixte ou rejoindre leurs frères. « La franc-maçonnerie est diverse et féconde, c’est une longue aventure de deux siècles !».
Certes, au moment de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu un sérieux arrêt sur image puisque les franc-maçons furent arrêtés et envoyés en camps de concentration. On parlait alors du fameux complot judéo-maçonnique. On peut s’étonner des affiches de l’époque et surtout des inscriptions qu’elles comportent, mais il ne faut pas oublier que ces messages sont finalement récents… d’autant que le dernier en date remonte à cette année. « Les femmes doivent faire évoluer leurs droits. Les loges sont des lieux de réflexion et d‘échanges. Les valeurs que nous défendons en loge, nous les défendons aussi en dehors du Temple. Les sujets ne manquent pas, de l’égalité dans le mode du travail à la santé, de la laïcité à la lutte contre les intolérances. C’est une école de la pensée et de la spiritualité. Nos conquêtes sont fragiles » avoue un membre des Dames de Saintonge. « De part le monde, la condition des femmes régresse. Nous devons être attentives et nous engager. Il faut forger une véritable parole de femme qui est peut-être encore à inventer ».

Les responsables apportent des précisions, le nombre de réunions par mois, le recrutement, la définition de leur idéal : « La société actuelle est frappée par de nombreux problèmes, la pauvreté, le chômage, l’alcool, la drogue, la violence. La franc-maçonnerie féminine se doit de labourer sans arrêt le terrain symbolique afin d’en extirper tout ce qui va à l’encontre de la femme. Nous devons nous battre pour changer le regard qu’on porte sur elle. Les femmes doivent apporter leur vision, leur point de vue au même titre que les hommes ».

Lors du débat qui suit, les sœurs sont « taquinées » par quelques messieurs qui leur demandent pourquoi elles n’appartient pas à une loge mixte. Leur réponse est simple. Tout est une question de choix et la GLF l’offre précisément : « on s’entend bien avec les hommes. Les femmes aiment se retrouver ensemble comme les hommes le font d’ailleurs. La pensée féminine se développe ». Et le secret maçonnique ? « On ne se cache pas, nous sommes prudentes simplement à une époque où l’anti-maçonnisme est réel. Nous sommes libres de nous dévoiler ou pas dans la vie publique. ». Le travail ? « Nous traitons des différents sujets de société en commission. Nous n’avions rien à voir avec les actions de La Jeune Chambre Economique par exemple ! En loge, nous évoluons sur un pied d‘égalité en dehors du milieu social, du niveau d’études. La première chose qui est demande est d’apprendre à écouter ». Dans les rangs, une sœur acquiesce : « ce silence qu’on exige de l’apprenti est essentiel, il façonne le jugement et l’évolution de l’être ». Au moment de se séparer, le public est invité à découvrir des ouvrages et des documents que propose la GLF. Parmi eux, figure la convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes. La conférence aurait pu se conclure par cette phrase très juste : « La France, pays des droits de l’homme ? peut-être. La France, pays des droits de la femme ? Pas encore »…

Nicole Bertin

• Début décembre, Rosen Hicher, une ancienne prostituée, a été reçue par la GLF à Paris. Elle se bat contre la prostitution et a effectué une marche symbolique de 800 km de Saintes à Paris.

Rosen lors de sa marche contre la prostitution
• Communiqué Grande Loge Féminine de France Journée Internationale pour l'élimination de la violence faite aux femmes 
Dans le cadre de la Journée Internationale contre les violences faites au Femmes, la Grande Loge Féminine de France représentée par sa présidente Catherine Jeannin-Naltet et la Commission des Droits des Femmes de l’Obédience tiennent à rappeler les autorités de notre pays au respect de la Convention d’Istanbul, premier traité européen contre la violence à l’égard des femmes, dans l’espace public, au sein du couple et de la famille, voire au travail, qui est entrée en vigueur cet été. Adoptée par les 47 pays membres du conseil de l’Europe, elle a été ratifiée par la France, le 4 juillet 2014. La Convention d’Istanbul incite les pays à développer non seulement des politiques de prévention, à former des professionnels (elles) pour mettre en place des dispositifs de protection, tels que des services téléphoniques d’assistance, des centres d’accueil, des services de santé, un soutien psychologique et des aides juridiques, mais également à poursuivre les auteurs de tels méfaits. Cet accord international entend que ses signataires s’attaquent aux stéréotypes sexistes afin de changer les comportements quant aux rôles des femmes dans la société. La Grande Loge Féminine de France soutient ce texte et souhaite la mise en œuvre des mesures qu’il préconise et encourage les Etats d’Europe qui ne l’auraient pas encore fait à le ratifier.

• Seconde Guerre mondiale : le statut de Juifs appliqué aux Francs-Maçons

 L’anti-maçonnisme culmine en France avec le régime de Vichy notamment sous le gouvernement Darlan qui dissout les sociétés secrètes (dont la franc-maçonnerie) par la loi du 13 août 1940. Pourtant, les parlementaires francs-maçons n’avaient pas été moins nombreux que les autres à voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain : parmi les 388 parlementaires qui avaient validé l’attribution des pleins pouvoirs le 10 juillet, 96 étaient francs-maçons, et parmi les 80 parlementaires qui votèrent contre, une vingtaine l’étaient. En zone occupée, après avoir saisi ses biens et occupé ses locaux, les Allemands s’occupèrent assez peu de la franc-maçonnerie et se contentèrent de la politique anti-maçonnique du régime de Vichy. Le 11 août 1941, une deuxième loi anti-maçonnique, plus radicale, fut publiée. Elle décrétait la publication au Journal officiel des noms des francs-maçons identifiés par le Service des Sociétés secrètes et leur appliquait le Statut des Juifs (sans toutefois leur interdire d’exercer un emploi du secteur privé).

• Affiches...
Il n’y a décidément pas de répit pour les « anti-maçons ». Pour preuve, cette affiche de propagande (en bas) vue dans Toulon diffusée sur le site « Nouvel Ordre Mondial » du 2 juillet 2014. On peut y lire « Pourquoi la maçonnerie est-elle secrète ? Pour cacher ses buts criminels dans la police et la justice ». A cela est adjoint une annonce de souscription pour l’ouvrage réédité de Léon de Poncin « La franc-maçonnerie d’après ses documents secrets ».




Et une plus récente posée à Toulon...

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