vendredi 3 avril 2015

Pour mieux comprendre les Tsiganes.
« L’image des voleurs de poules
est tenace » souligne Olivier Blochet

C’est pour que les Gadgé comprennent mieux les Tsiganes qu’Olivier Blochet a écrit un livre à leur sujet. Au salon du livre de Thénac, il a présenté le fruit de ses recherches. 



• Quelles sont les circonstances qui vous ont conduit à publier ce livre sur les Tsiganes ? Pensez-vous qu’il y a une méconnaissance de la population à leur égard ?

Je me suis aperçu que le public exprime sa sympathie pour la danse de la jeune Gitane à la hanche et au buste provocant ; qu’au cinéma, il aime le Manouche filou qui se joue des gendarmes ; que les soirs de concerts de jazz manouche, il applaudit le musicien à la peau mate, mais que dès le lendemain, il continue à stigmatiser toute une communauté en usant de connotations péjoratives. Fréquentant moi-même des familles Manouches, j’ai voulu proposer une réflexion de nature à faire porter un autre regard sur ce peuple. Il est vrai que nos concitoyens méconnaissent l’histoire de cette communauté et ses traditions. Sa place actuelle dans la société française est soumise à une législation exorbitante du droit commun alors qu’elle vit en France depuis le XVème siècle, ce qui n’est pas toujours le cas de la famille de ses détracteurs. C’est ce qui explique, mais n’excuse pas, la stigmatisation de tout un peuple qui je le rappelle, a payé un lourd tribut lors du second conflit mondial, passé sous silence dans les manuels scolaires. 

• Quelles sont les découvertes les plus intéressantes faites à leur sujet ? 

J’ai découvert une culture beaucoup plus riche qu’on ne l’imagine au premier regard. D’une manière générale, nous, les Gadgé (les non Tsiganes) ne connaissons de leur culture que les aspects les plus caricaturaux à travers le prisme de la danse et de la musique. Nous ignorons leur compétence en matière d’élevage et de dressage de chevaux, les persécutions incessantes et des tentatives d’extermination dont ils ont été victimes, l’inspiration qu’ils ont suscité chez les auteurs et les compositeurs occidentaux, leur attachement à la famille.

• Sommes- nous toujours dans la querelle des sédentaires et des non sédentaires ? 

Depuis son départ du nord de l’Inde au Ve siècle, ce peuple a connu, à toutes les périodes de l’histoire, le bannissement, l’internement et la déportation. L’hostilité populaire empêcha sa sédentarisation et il est paradoxal aujourd’hui de leur reprocher leur nomadisme. Aujourd’hui, la politique sociale tend à réduire leur mobilité et l’on constate que le taux de sédentarisation progresse en prenant plusieurs formes : la vie en maison traditionnelle ou en caravane sur un terrain acquis pas la famille. D’après les statistiques, 70 % des Tsiganes français seraient semi-sédentaires, ne reprenant la route qu’au printemps pour participer aux pèlerinages et aux grands rassemblements religieux. Ils n’entretiennent donc plus qu’un rapport de plus en plus lointain avec le nomadisme. Ce qui demeure, ce sont les idées reçues et les fantasmes encouragés par un discours politique reposant sur des amalgames éculés et des mesures administratives discriminatoires. Tant que ce regard n’aura pas changé, leur intégration naturelle dans la société ne pourra pas se faire sereinement.

Olivier Blochet, dit le Niglo
 • Vous participez à des salons du livre. Quelles sont les réflexions les plus « étonnantes » que vous ayez entendues au sujet des Tsiganes ? 

J’entends souvent «  ah, vous avez écrit un livre sur les voleurs de poules ». Cette description date du Moyen âge, période ou, certes les Tsiganes volaient des poules dans la cour des fermes, mais ils n’étaient pas les seuls car à l’époque, plus de 10 % de la population française était sur la route en raison des guerres et de la famine. Cette image reprise dans de nombreuses gravures est restée ancrée dans les esprits même si elle ne correspond plus à aucune réalité. Les lecteurs que je rencontre font souvent l’amalgame entre les Tsiganes français et les Roms qui défrayent l’actualité sociale et politique depuis plusieurs années. Les Tsiganes dont je parle dans mon livre sont de nationalité française alors que les Roms sont des citoyens Européens, sédentarisés en Roumanie pour la plupart, qui viennent en France avec un passeport et un visa touristique. Au-delà de la période de validité de leur visa, s’ils restent en France, ils sont en situation irrégulière au regard du droit Français. J’entends également souvent des réflexions assimilant la délinquance à l’appartenance à la communauté Manouche et Gitane. C’est bien entendu très exagéré. Dans tout groupe social ou professionnel, nous recensons des personnes malhonnêtes, cela ne doit pas discréditer l’ensemble du groupe.

• Y aura-t-il une suite à cet ouvrage ? 

Oui, j’envisage un nouveau livre sur le thème des contes et des légendes Tsiganes. La tradition s’est transmise oralement et, le soir à la veillée, autour du feu de bois, les familles se racontaient l’histoire de leur peuple. Ce livre paraîtra probablement en 2016 car actuellement je prépare un roman pour la fin de l’année sur un tout autre sujet.

• Pourquoi vous appelle-ton Le Niglo ? 

Il s’agit d’un clin d’œil pour l’intérêt que je porte au hérisson, petit animal de la famille des insectivores. En Romani, la langue Tsigane, le hérisson se dit Niglo, d’où le surnom qui m’a été donné. Je précise que dans le temps, le hérisson était souvent un animal de compagnie pour les enfants Tsiganes comme d’autres, aujourd’hui, ont des cochons d’Inde. Les enfants Tsiganes portaient souvent en amulette une patte de hérisson autour du cou pour les protéger de la foudre et des dangers car il s’agit du symbole vivant du paratonnerre, à l’égal de la salamandre, de par sa résistance aux hauts voltages. Espèce aujourd’hui protégée, le hérisson fut longtemps chassé par les Tsiganes qui en avaient fait un plat traditionnel.

• Précision : après la seconde guerre mondiale, la graphie du mot Tzigane a perdu son z au profit du s. La raison en est que les nazis tatouaient un z pour Zigeuner (Tzigane en allemand) sur le bras des Tziganes déportés dans les camps. L'abandon du z est consécutif au souci de ne pas rappeler la période de l'extermination des Tsiganes.

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