lundi 28 septembre 2015

Jean-Marie Pelt en conférence à Pons :
« Nous nous sommes empoisonnés
nous-mêmes »...

Dimanche dernier, dans le cadre des Journées du Patrimoine, la municipalité de Pons a accueilli Jean-Marie Pelt, président de l'Institut Européen d'Ecologie et professeur honoraire renommé. Au programme, la biodiversité et l'état des lieux en ce début de XXIe siècle. Tableau pas très réjouissant.


Jean-Marie Pelt (© Nicole Bertin)
A quelques mois de la COP21, alors que le réchauffement climatique est visible et que les catastrophes météorologiques s'enchaînent (les récentes tornades en Charente-Maritime en sont la preuve), Jean-Marie Pelt a tiré la sonnette d'alarme quant la disparition de certaines espèces vivantes. Il n'est pas le seul à tenir de tels propos puisque Hubert Reeves, il y a quelques années déjà, disait à peu près la même chose, mettant les populations en garde contre une sixième extinction.

5% des espèces vivantes disparaissent tous les 10 ans. « Faites le calcul et le bilan en 2100 pour un bébé qui naît aujourd'hui ». D'ici 50 ans, un amphibien sur trois sera rayé de la carte. « Pourquoi ? Parce qu'ils respirent par la peau et sont exposés aux produits toxiques ». Idem pour les mammifères, un sur quatre. Que deviendront pandas, tigres et autres rhinocéros en dehors des zoos ? Un oiseau sur huit répondra aux abonnés absents. « On constate cette situation partout. Prenez la réserve de Manu au Pérou, elle compte 450 espèces d'arbres sur quelques hectares alors que toutes les forêts d'Europe n'en regroupent qu'une centaine. La connaissance de la nature devient étrangère aux enfants, contrairement aux générations qui les ont précédés ».

Ne parlons pas de la déforestation au Brésil, Bornéo, Sumatra, Cambodge ou au Congo où 160.000 km2 de forêt tropicale s'envolent chaque année. « Les habitants des régions impactées sont alors obligés de quitter les lieux, emportant avec eux leurs traditions, leur histoire. Ils sont alors placés dans des réserves ».  

Le sort des océans n'est pas plus enviable en raison de la pollution et de la surpêche. Il n'y a plus de pêche à la morue à Terre Neuve depuis 92. Elles ne sont pas revenues parce que la chaîne alimentaire a été rompue. Idem en Alaska où les loutres de mer sont victimes des orques qui s'attaquent à elles, le poisson se faisant trop rare. Moins de loutres, plus d'oursins dont elles se nourrissent, lesquels dévorent les algues en grosse quantité. Là encore, le système est bouleversé. Autre drame pour les loutres, le naufrage d'un pétrolier en a tué 500 à lui tout seul…
Seules les méduses seraient assez contentes de nos modifications : elles s'acclimatent très bien au réchauffement climatique et à la pollution.
Dans le carnet noir, il faut ajouter la diminution des récifs coralliens et les menaces qui pèsent sur les abeilles. Dire que le frelon asiatique est arrivé chez nous dans un container de poteries chinoises !

« Voilà comment on perd de la biodiversité » explique Jean-Marie Pelt. En jouant les apprentis sorciers. S'il n'y a plus d'abeilles, il n'y a plus de fruits, de légumes. Un économiste a imaginé la pollinisation des fleurs par les hommes, activité créatrice d'emplois certes, mais quel gâchis !
Les pesticides sont également pointés du doigt : « Depuis des décennies, ont été mises sur le marché des centaines de millions de molécules chimiques. Elles sont partout, dans l'air, le sol, l'eau, l'alimentation. Elles ont des effets négatifs, cancérigènes en particulier ». On s'aperçoit, en effet.L'Europe s'est émue de la situation et a engagé un programme pour faire disparaître les molécules les plus suspectes. « Nous nous sommes empoisonnés nous-mêmes »… 


La population humaine est-elle en danger ? 

Dans la longue histoire de la Terre, il s'est produit cinq grands cataclysmes qui ont entraîné la disparition d'espèces dont celle des dinosaures, due à une météorite. « Les hommes vont-ils provoquer la sixième ? » s'interroge Jean-Marie Pelt. D'où l'importance de limiter le réchauffement climatique (enjeu du prochain Congrès international qui se tiendra à Paris en décembre). « Si nous n'y prenons pas garde, en 2090, la montée des océans atteindra entre 40 centimètres et un mètre. Ce sera une catastrophe épouvantable pour les gens qui vivent en bordure de littoral ». Au Bangladesh, un tiers de la population sera évacué et l'on pourrait voir arriver en Europe 250 millions de réfugiés climatiques.

« Que faire ? J'appartiens à l'écologie la plus ancienne, celle des années 60 avec René Dumont, le commandant Cousteau, Haroun Tazieff. Pourquoi les textes publics sur la protection de la nature ne sont-ils pas respectés ? Les rejets en CO2 doivent être réduits, il faut des actes concrets. Le Pape lui-même l'a déclaré : les responsables politiques sont trop soumis à la technologie et à la finance. Que donnera la prochaine conférence sur le climat ? Nous avons promis d'aider les Pays du Sud, 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 ». 


Ne jamais oublier les paroles de Théodore Monod...
Jean-Marie Pelt se souvient de sa rencontre mémorable avec le savant naturaliste Théodore Monod, alors âgé de 97 ans : « il était pessimiste et m'a dit : on nous recommande de nous aimer les uns les autres, ça ne marche pas du tout, et a tapé sur la table avant d'enchaîner : il faudrait s'aimer pour de bon. Si les gens se respectaient, le monde serait différent. On trouverait des consensus et des sommes colossales seraient dégagées pour aider les plus démunis. Théodore Monod a laissé échapper une larme : vous devriez le dire dans vos conférences, c'est l'essentiel de tout. J'ai acquiescé. Rentré chez moi, j'ai noté minutieusement le contenu de notre entrevue. Aujourd'hui, je vous rapporte les propos de ce grand homme ». Et d'ajouter : « plus tard, après le décès de Théodore, j'ai croisé son fils. Il m'a avoué que les angoisses de son père avaient cessé quand il avait compris que sa parole serait transmise aux nouvelles générations ».

Le monde est ainsi fait, composé à la fois d'hommes de bonne volonté qui s'interrogent sur l'avenir de l'humanité, et d'individus matérialistes et cyniques qui se moquent de leur prochain, donc de l'environnement. Il y a beaucoup de chemin à accomplir en matière d'éveil : sur ce chapitre, tous les pays ne sont pas au même diapason. Et pourtant, toutes les religions du Livre prêchent l'amour. A croire que la sagesse est aussi difficile à atteindre que le sommet de l'Annapurna…

N.B.


• Jean-Marie Pelt est biologiste et professeur honoraire des universités en biologie végétale et pharmacognosie. Il préside l’Institut européen d’écologie, une association de recherche et de promotion de l'écologie notamment en milieu urbain.

• Nous sommes aujourd'hui 7,2 milliards d'humains, 11,5  la fin du XXIe siècle. Comment nourrir toute la population dont le nombre ne fait que progresser alors que les inégalités se creusent sans cesse davantage ?

• Jean-Marie Pelt cite le cas de l'Ile de Pâques où le déboisement intensif a entraîné la guerre, la misère et la famine tandis que les rats ont contrarié la repousse des cocotiers en mangeant les noix. Cercle vicieux…

Après la conférence, les élus ont accueilli un spectacle "amour et guerre chez les plantes"
animé par Jean-Marie Pelt et le pianiste Patrick Scheyder

L'HOPITAL DES PELERINS

La charpente de l'hôpital des Pèlerins date de 1235. 85% des éléments qui la composent sont d'origine. L'édifice est classé au Patrimoine Mondial de l'Unesco dans le cadre des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle. En face, se trouvait une chapelle incendiée durant les guerres de religion. Entre les deux édifices, le passage voûté, unique en France, a été protégé des effets de la circulation routière. En effet, l'ingénieur de l'Equipement, Pierre Senillou avait préféré décaisser le sol de 80 centimètres plutôt que de le détruire. On ne peut que le féliciter pour ce choix "stratégique" car l'ensemble (restauré) est tout simplement magnifique.

Le passage voûté de l'hôpital des pèlerins
La magnifique charpente



• JOURNEES DES PATRIMOINE
Samedi, les Chevaliers de Beaucéant ont proposé une animation "templière"

Journées du Patrimoine Pons © Nicole Bertin

1 commentaire:

Jean-Paul Négrel a dit…


Malheureusement, Jean-Marie Pelt a parfaitement raison !

Sait-il que nos 3 sénateurs Charentais-Maritimes ont voté contre l'interdiction des néonicotinoïdes tueurs d'abeilles ?
Voir résultats officiels du scrutin sénatorial  :
http://www.senat.fr/scrutin-public/2014/scr2014-92.html

et article correspondant sur http://la-cagouille-libre.fr/www.la-cagouille-libre.fr
catégorie « environnement »