dimanche 13 décembre 2015

Les filières maritimes au cœur de la Réforme territoriale. Dominique Bussereau : « Que La Rochelle s'affirme comme le grand port de la Région » 


Pour sa 4e édition, la conférence maritime du Département, organisée à la maison de la Charente-Maritime à La Rochelle en novembre dernier, s’est focalisée sur « les enjeux des filières maritimes dans la nouvelle grande région ». Un thème abordé dans un contexte de réforme territoriale liée à la mise en application de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe). Un temps de rencontre et d’échange un an avant les Assises de l’économie et de la mer qui se tiendront en novembre 2016 à La Rochelle.   

Si la cohérence territoriale d’une fusion Poitou-Charentes, Aquitaine et Limousin est aujourd’hui actée, le Président du Département, Dominique Bussereau, a tenu à rappeler, en préambule de la conférence, qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Aux balbutiements du redécoupage régional, il a été un temps question d’un rapprochement avec les Pays de la Loire ou encore avec la Région Centre. « Dans ce cas là, nous aurions été la seule façade maritime » a-t-il indiqué, avec la crainte d’un esseulement des élus charentais-maritimes quant aux questions maritimes alors que le Département compte 470 kilomètres de côtes, 4 îles, des pertuis et un estuaire. Avec l’Aquitaine, la situation est tout autre, la Charente-Maritime ayant déjà des liens avec la Gironde et les Pyrénées-Atlantiques.

• Première table ronde : "Nos filières maritimes au sein de la grande région : enjeux, difficultés et opportunités". 

Pour autant, cette fusion régionale, effective au 1er janvier 2016, pose aussi des questions sur la représentativité et la manière d’exister des différentes filières maritimes que sont la conchyliculture, la pêche, la plaisance et le nautisme, le commerce ainsi que les énergies renouvelables. Pour évoquer les « enjeux, difficultés et opportunités » au sein de la grande région, des spécialistes de chaque filière ont été invités à s’exprimer sur le sujet.  




OSTRÉICULTURE :
Avec, en 2014, 37 000 tonnes d’huîtres commercialisées pour près de 1000 entreprises côté Charente-Maritime et 6 500 tonnes d’huîtres commercialisées pour un peu plus de 300 entreprises côté Gironde, les deux bassins représentent le tiers du tonnage d’huîtres en France. Pour Gérald Viaud, l’enjeu principal de la grande région sera le captage du naissain d’huître. « Les deux bassins sont les plus importants en terme d’approvisionnement d’huîtres naturelles. Toute l’Europe se sert soit à Arcachon, soit en Charente-Maritime. » Pour pérenniser au mieux cette activité commune, « il convient absolument de protéger nos zones conchylicoles », a rappelé le président national et régional du Comité de la conchyliculture. Il met en avant la nécessité de mettre en place des modèles de gestion commune pour leur entretien. Pour autant, il n’est pas pour l’heure question d’une fusion des deux comités régionaux. D’ailleurs, « nous restons des concurrents », sourit Gérald Viaud. Justement, le siège de la grande région s’établissant à Bordeaux, n’y a-t-il pas une crainte d’une communication plus arcachonnaise que charentaise-maritime ? Pas pour Jean-Pierre Tallieu, vice-président du Département chargé de la mer et du littoral qui estime que « les territoires sont différents » et rappelle que l’identité de la Charente-Maritime est marquée par les activités conchylicoles, facteur d’attractivité touristique.



« Tant que nos deux bassins (Marennes-Oléron en Charente-Maritime et Arcachon en Gironde) gardent leur identité, la grande région ne nous gêne pas » : Gérald Viaud, président du Comité national et Poitou-Charentes de la conchyliculture.

• PÊCHE : 
 
S’ils sont deux comités régionaux de pêche aujourd’hui, la grande région ne devrait plus en voir perdurer qu’un seul. Reste à s’entendre sur les modalités. Selon Michel Crochet, l’idée d’une fusion totale des deux comités n’a pas été plébiscitée. En conséquence, le comité régional Poitou-Charentes, dont les activités étaient logiquement principalement concentrées en Charente-Maritime, pourrait devenir un comité départemental. Se pose donc la question de la représentativité alors que « nous n’avons pas du tout la même vision de la pêche.

 Eux c’est plutôt mono spécifique, surtout la partie sud, et l’avantage du Poitou-Charentes c’est la diversité des métiers » affirme Michel Crochet. Quel poids aurait un comité de pêche en Charente-Maritime face au comité de pêche de Gironde et au comité issu de la grande région s’interroge-t-il.  

« La crainte des professionnels c’est le manque de représentativité » : Michel Crochet, président du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins Poitou-Charentes.    




PLAISANCE ET NAUTISME :

Ce sont 12 000 places (réparties dans 29 ports de plaisance) pour les bateaux que la Charente-Maritime va ajouter aux 10 000 (réparties dans 23 ports de plaisance) que compte l’Aquitaine avec la grande région. Le Département et le nautisme c’est aussi 400 entreprises pour un chiffre d’affaire annuel de 400 millions d’euros et 4 000 emplois.

Autant dire que la Charente-Maritime va, encore un peu plus, renforcer la légitimité de la filière maritime au sein de la grande région. « Nous allons lui offrir, du point de vue de la plaisance, une visibilité internationale d’un coup beaucoup plus forte », estime Bertrand Moquay. Pour autant, y-a-t-il une crainte d’une attractivité bordelaise exacerbée du fait de la présence du siège de la grande région ? « En terme de communication, je rêve peut-être un peu mais je pense que, bien au contraire, notre image des pertuis, de La Rochelle mais pas que, sera utilisée par la nouvelle structure régionale pour valoriser sa capacité et ses savoir-faire. »    

« La création de cette grande région, je ne sais pas si elle est pertinente, mais paraît, a priori, intéressante pour le nautisme et la plaisance » : Bertrand Moquay, président de l’Association des Ports de Plaisance de l’Atlantique.    



COMMERCE : 
 
La grande région comptera deux grands ports maritimes : La Rochelle et ses 9,4 millions de tonnes de marchandises en 2014 et Bordeaux avec 8,5 millions de tonnes de marchandises l’an passé. S’y ajoutent les ports départementaux de Rochefort et Tonnay-Charente avec 750 000 tonnes de marchandises et le port régional de Bayonne avec 2,6 millions de tonnes de marchandises. « Il y a des trafics sur lesquels on peut se poser la question de la complémentarité des hinterlands (région desservie par un port ou une voie navigable) » explique Julien Bordet. Au-delà, la question de la stratégie de façade maritime pour intégrer au mieux toutes les installations portuaires au sein de la grande région se pose. « Aujourd’hui, on a une tendance des ports à se rapprocher » poursuit-il en citant l’exemple d’Haropa, structure qui regroupe les ports du Havre, Rouen et Paris. « Une stratégie qui fonctionne relativement bien » de l’avis de Julien Bordet. Pour y parvenir, il faudra s’affranchir des structures de gouvernances différentes et il faudra composer avec des « complémentarités réelles mais pas complètement naturelles ». « Nous avons tout intérêt à faire en sorte que demain nous travaillions ensemble pour favoriser l’augmentation de la valeur ajoutée dans la grande région » selon Michel Puyrazat, Président du Directoire du Grand Port Maritime de La Rochelle.

Dominique Bussereau, le Président du Département de la Charente-Maritime, a ensuite affirmé son souhait « que La Rochelle s’affirme comme le grand port de la région. Cela ne veut pas dire que le port de Bordeaux est destiné à jouer les utilités (…) Je pense que La Rochelle a une vocation à affirmer une prééminence par son dynamisme, par son accès en pleine mer, par son opérateur ferroviaire qui est tout à fait remarquable dans ses résultats. Je pense que La Rochelle a une carte formidable à jouer ».

« Il y a une logique à mettre en place une stratégie de façade. Je n’ai pas dit que ça allait être facile ou naturel » : Julien Bordet, manager chez EY-Ernst and Young.  
  


ENERGIES MARINES RENOUVELABLES : 
 
Sur la question des énergies marines renouvelables, si la grande région sera bien pourvue quant à la force des marées, ce sera moins le cas concernant les rivières, les vents ou encore l’énergie des vagues. « Le potentiel des énergies marines est vraiment un atout important pour le développement au niveau de l’Europe », affirme Dominique Breuil.

Reste que les énergies marines posent aussi des questions notamment concernant la gouvernance, l’acheminement de l’électricité ou bien encore sur les outils destinés à capter l’énergie. Pour répondre à toutes ces problématiques, l’EIGSI s’est engagée avec d’autres acteurs, dont le Département de la Charente-Maritime, dans des programmes de recherches visant à développer de nouvelles machines, mais aussi à mieux connaître et mesurer les potentiels locaux.  

 « Concernant la force des marées, la grande région est parmi les potentiels les plus forts en Europe » : Dominique Breuil, directeur de Recherche à l’école d’ingénieur EIGSI.          

Seconde table ronde : 
« La loi NOTRe et les questions portuaires »

C’est l’article 22 de la loi NOTRe qui fixe le volet portuaire départemental. Un volet légal explicité par Laurent Bordereaux, maître de conférence à l’Université de La Rochelle, spécialisé dans le droit du littoral et des ports. Citant l’article, il a rappelé que « la propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion des ports relevant du Département peuvent être transférés, au plus tard le 1er janvier 2017, aux autres collectivités territoriales et à leurs groupements dans le ressort géographique desquels sont situées ces infrastructures ».
Le transfert n’est donc pas imposé et le Département peut demander le maintien de sa compétence. Si aucune autre collectivité ne demande à prendre la compétence d’un port, le Département « bénéficie de plein droit du maintien de sa compétence » cite Laurent Bordereaux. Si une ou plusieurs autres collectivités en font également la demande, c’est le Préfet de région qui interviendra en proposant la constitution d’un syndicat mixte qui rassemblera les intéressés. S’il n’obtient pas d’accord dans le cadre d’une concertation, c’est lui qui désignera le bénéficiaire de la compétence. Enfin, si aucune collectivité ne demande le maintien ou le transfert de compétence, la Région serait la collectivité bénéficiaire par défaut.

Après ce préambule, Dominique Bussereau, Président du Département de la Charente-Maritime, a dressé un état des lieux de la situation concernant le département. Le choix fera l’objet d’une délibération lors de la session d’hiver, à la mi-décembre. Le Président proposera aux élus que le Département « affirme sa compétence ». Une « mesure conservatoire » que la Charente-Maritime devra faire connaître avant fin mars 2016. Pour autant, Dominique Bussereau estime que le Département ne doit pas nécessairement garder la compétence pour lui seul et ouvre la porte à la constitution de syndicats mixtes, pourquoi pas à La Rochelle, La Cotinière, Rochefort et Tonnay-Charente, ainsi que Royan.

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