lundi 7 décembre 2015

Libre expression : « Aux yeux pas toujours inattentifs des non votants, les élections régionales ne sont qu'une manipulation grandiloquente des masses pour le partage de quelques bonnes places »

A part ceux qui vivent du vote des Français (les professionnels de la profession), qui se souvient en France des pourcentages électoraux des dernières départementales ou européennes ? Pourtant ces élections sont très récentes ! Où sont les jolis histogrammes colorés, la France en bleu et rouge, les alarmes, les promesses, les grandes formules définitives ? Rien, il n'en reste rien.
Demain, il en sera de même des Régionales. Personne n'en a cure. C'est de l'oubli qui chemine. Pour mémoriser, il faudrait un intérêt ou une crainte ; or, dans cette élection, il n'y a ni l'un, ni l'autre. C'est juste une épisode de Plus belle la vie ou de Sacrée soirée ; on passe un bon moment et on va se coucher. Typiquement un non événement politique, juste une représentation de plus dans le grand barnum de la société du spectacle si bien décrite par le prophétique Debord. Un divertissement parmi d'autres, qui sera évaporé demain, noyé sous le jet continu des jeux télévisés propres à abrutir le bon peuple. C'est de la bobocratie en direct, Orwell n'est pas loin.

Toute fête a ses rites attendus : le lâcher de ballons, l'élection de la rosière, etc. Ces jours-ci, donc, pour amuser la galerie, pour entretenir la jubilation médiatique de l'homo festivus, c'est à qui se disputera l'étiquette de « premier parti de France », « c'est pas lui, c'est moi ! » crient les amuseurs de foire et la foule s'esbaudit. La réponse est pourtant simple : aucun parti ne peut y prétendre, puisque la majorité des Français n'a pas voté. Les abstentionnistes ne constituent pas un courant politique, ils ne sont donc pas, eux non plus, « le premier parti de France », mais ils sont implicitement, et très solidement, le seul« parti de la France ».

Une candidate a dit fort justement : « Le peuple français est la chance de la France ». C'est vrai. Sauf que, dans sa majorité, ce peuple s'est abstenu dimanche dernier. Les non votants ont néanmoins parlé, car le message ne vient pas que des mots et des voix. Il vient aussi des silences du discours. L'intervalle fait sens. Aux yeux pas toujours inattentifs des non votants, les élections régionales ne sont qu'une manipulation grandiloquente des masses pour le partage de quelques bonnes places. Quelques petits malins gagneront ou, le plus souvent, conserveront le titre envié de « notables » (ou de notoires, comme disait de Gaulle.)

Les presque réélus se rengorgent déjà, leur contentement fait plaisir à voir : ils font risette, ils bénissent, ils méprisent avec grâce. Tout cela, les Français silencieux le voient et ils ne sont pas dupes. Ils savent que ce jeu électoral ne consiste pas à désigner des représentants, mais à distribuer des rentes à des rentiers, des prébendes à des intrigants. Alors, ils ne se déplacent pas pour si peu. La complaisance et la bonté ont des limites. Pas assez citoyens, les abstentionnistes ? Détrompez-vous ! Il suffirait, par exemple, qu'un référendum soit organisé demain sur le rétablissement des frontières, ou sur l'alliance contre nature avec l'Arabie et le Qatar, ou sur la normalisation des relations avec la Russie, ou sur les bombardements illégaux de la France en Syrie, pour que cette masse inquiète et désemparée reprenne aussitôt et très civiquement le chemin des urnes.

Donc l'abstention aux « Régionales » n'est pas le signe d'une carence de la conscience démocratique, c'est l'élection elle-même qui en est le symptôme. Les Français non votants ne sont pas idiots, ils sentent d'instinct où est leur intérêt vital, ils voient bien ce qu'est l'autocratie des élus de profession, ils mesurent chaque jour l'ampleur grandissante du désastre français, alors ils ne collaborent pas au système qui travaille à leur propre destruction. Les « abstentionnistes », comme on dit, c'est la masse des victimes non-consentantes, le conglomérat soumis quotidiennement à l'intimidation et au lavage de cerveau politico-commercial. Incités du matin au soir à aller « se distraire » dans les centres commerciaux et les bureaux de vote, ils résistent. Ils sont une forme de saine dissidence, en attendant des jours meilleurs. 

J.P.

1 commentaire:

Philippe Bizet a dit…

Ce n'est pas faux tout ça.