samedi 16 avril 2016

Une nouvelle vie pour Dauphin Vert
qui a quitté le port de Mortagne

Ce très beau voilier - dont le descriptif est donné par le Musée Maritime de la Rochelle - se trouvait jusqu'à une période récente dans le port de Mortagne où il ne passait pas inaperçu. Ces temps derniers, ce bateau d'intérêt patrimonial ne sortait plus guère et il a été mis en vente. Yves, un habitué du port, le connaît bien : « mon bateau était sur le même ponton que Dauphin Vert. Comme tous les bateaux en bois, des travaux s'avéraient nécessaires ».

Dauphin Vert quitte Mortagne (© Ann Sofie Stragier)
Les habitants de Mortagne ont appris, non sans émotion, qu'il avait trouvé un acquéreur et qu'il serait restauré par les chantiers Despierres à La Rochelle. S'ils l'ont vu partir avec un pincement de cœur, tous sont heureux de la renaissance de leur protégé ! « C'est une nouvelle vie qui s'annonce pour lui. Il va pouvoir reprendre le large. C'est un bateau tel qu'on les concevait voici plusieurs décennies pour les plaisanciers aisés, avant les constructions en polyester. Je n'ai jamais navigué à son bord, mais je l'ai vu de près. C'est un sacré bateau fifty/fitfy, c'est à dire qu'il fonctionne à la voile et qu'il est bien motorisé » explique Yves. Son rêve ? Le recroiser un jour dans l'estuaire de la Gironde.
« Dauphin Vert est l'un des derniers, si ce n’est le dernier yacht de croisière hauturière français dessiné et construit spécialement pour un propriétaire. Il est, en cela, un témoin précieux à l'image de Charles Draeger, connaisseur exigeant et amateur d’art. A cet égard, les emménagements du Dauphin Vert, à eux seuls, méritent une attention particulière par leur caractère et leur authenticité uniques, comme ceux d’un pavillon de chasse dont on aurait préservé non seulement le bâtiment et son décor, mais aussi le mobilier d’origine et son contenu jusque dans ses moindres détails (service de Limoges exécuté spécialement, etc). Cette unité dans le respect des traditions a été jusque là sauvegardée en s’appuyant sur un classement qui lui apportera reconnaissance et protection. Dauphin Vert a été classé au titre des Monuments Historiques le 28 décembre 2011 » mentionnent les spécialistes.

En route pour La Rochelle ! (© Ann Sofie Stragier)

• L'historique de Dauphin vert : 


Voilier de croisière à moteur, gréé en ketch, dessiné par Eugène Cornu et lancé en 1958 aux chantiers Barrière d'Arcachon pour son premier propriétaire, Charles Draeger, imprimeur, éditeur et descendant d'une famille où on pratique le yachting depuis plusieurs générations. Le commanditaire le destinait à la croisière et à la pêche en mer. Il appartient depuis 1980 à son neveu, éditeur d'art, qui vient de s'en séparer. Ce voilier est armé en plaisance en 1ère catégorie.Une des particularités de ce voilier de plaisance, impeccablement tenu, est le soin apporté à sa décoration intérieure qui en fait une résidence secondaire raffinée dont les boiseries de chêne sculptées (bas-relief représentant des poissons), récupérées d'un précédent yacht à moteur,ont été réalisées dans les années 1930 par M. Petit Pierre, sculpteur à Montmartre.

Les aménagements comprennent, derrière le puits aux chaînes, un poste avant avec couchettes doubles et relevables, salle de douche et sanitaires. Le carré, avec cuisine équipée à bâbord est accessible depuis la vaste timonerie avec barre à roue, table à cartes et commande des moteurs. La cabine arrière possède deux couchettes. Elle dispose d'une salle de bains et de sanitaires. Outre une annexe à deux avirons en polyester, le matériel de survie réglementaire comprend un radeau Transocéan à huit places en conteneur. Dauphin vert est un remarquable exemple de voilier mixte de plaisance signé d'un grand architecte naval pour un yachtman de tradition attaché à l'exemplarité de la navigation de plaisance.
Eugène Cornu s'est rendu célèbre sur la côte Atlantique dans les années 1950 par ses voiliers de croisières familiales confortables, robustes et néanmoins, bon régatiers. Cornu est l'architecte des séries Bélouga et de diverses séries à succès depuis les 7,60 m jusqu'au 11,30 m construits par tous les chantiers bretons.
Trois bateaux sur plans Cornu ont déjà été examinés par la Commission nationale des Monuments historiques : Prado Rose noire II - ex Windilis, yacht bermudien de 1964 classé en 2000 ; Danycan, sloop bermudien de 1949 et Gilliat V, construit en 1954. Naviguant régulièrement et entretenu avec un grand souci d'authenticité et de mémoire, Dauphin vert est resté en bon état général, en particulier la coque dont un vaigrage partiel favorise l'aération intérieure. Au cours de son grand carénage de 1998, seul le marsoin (pièce entre la quille et l'étambot) a été remplacé en lamellé-collé. Il était en 2002 amarré dans le port-musée de La Rochelle. Il a participé régulièrement aux Rencontres classiques en Atlantique jusqu'en 2009. Après un carénage à Mortagne-sur-Gironde, le bateau a été désarmé il y a deux ans. Mâts, espars et baume ont été revernis et stockés sous hangar avec le matériel et le jeu de voiles ».

Claude Draeger témoigne : « Dauphin vert est particulièrement agréable pour les grandes croisières »

« Bateau d’exception que Charles Draeger, mon oncle, a commandé à Eugène Cornu en 1955 pour remplacer sa vedette construite par le chantier Jouet à Sartrouville. Le problème posé à Eugène Cornu était de réutiliser toutes les boiseries qui avaient été spécialement sculpté par Petit Pierre à Montmartre. Compte-tenu de la longueur du nouveau Dauphin, il a fallu trouver un artiste ébéniste pour compléter le travail, ce qui fut fait à Montmartre également. La vaisselle à elle aussi été fabriqué spécialement à Limoges pour le Bateau.
Resté dans son état d’origine et méticuleusement entretenu, ce bateau à beaucoup de charme. Très agréable à manœuvrer grâce à ces deux moteurs, il est particulièrement confortable pour les grandes croisières. Son faible tirant d’eau lui permet d’accéder aux mouillages isolés. J’ai utilisé ce bateau pendant de nombreuses années comme résidence d’été avec mes enfants.
La coque est une construction en bois classique, bordée acajou et rivetée cuivre sur membrure acacia. Le lest est en fonte. La poupe est de forme canoë. Les deux lignes d’arbres retenues par des chaises portent chacune une hélice tripale. Le bordage de pont est en teck. Les mats et les bômes sont en spruce et le gréement en inox.
Les moteurs, installés en 1979, sont des Leyland Thornycroft diesel de 60 CV (15 CV.administratifs) équipés d’inverseurs hydrauliques, permettant une confortable vitesse de croisière de 8 nœuds et une vitesse de pointe à 10/11 nœuds Suivant la propreté de la carène, la consommation à vitesse de croisière se situe à moins de 15.litres heure.
Armé en première catégorie, le bateau profite d’un mouillage à l’année sur ponton équipé d’eau et d’électricité dans le très joli port de Mortagne sur Gironge ». Dont il vient de partir pour de nouvelles aventures !

Vaisselle fabriquée à Limoges pour Dauphin Vert

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